Le secret d'Eleusis
disparaissait dans l’obscurité épaisse. Gaëlle entendit un animal déguerpir, un rongeur sur le plancher ou, avec un peu de chance, un oiseau contre le plafond. Elle hésita mais se rappela que la maison était éclairée par des lampes électriques, alimentées par les piles solaires. Par conséquent, il y avait sans doute un interrupteur quelque part, mais elle ne le voyait pas d’ici. Elle descendit marche après marche, les mains à plat contre les murs froids et rugueux. Au pied de l’escalier, sur la droite, elle discerna un couloir percé de trois portes. Elle s’y engagea à tâtons, ouvrit la première porte à gauche et sentit une ficelle, sur laquelle elle tira. Une ampoule nue s’alluma et éclaira une petite pièce abritant un évier encastré et deux tables en bois adossées aux murs. Sur l’une de ces deux tables, trônait un agrandisseur entouré de tout le matériel que l’on pouvait s’attendre à trouver dans une chambre noire : bacs de différentes couleurs, assortiment de filtres, produits chimiques, pinces, thermomètres, loupe et boîtes de papier photo. Trois fils à linge étaient tendus d’un mur à l’autre pour le séchage des photos. Plusieurs pinces y étaient accrochées mais ne retenaient aucun cliché.
Gaëlle sortit, ouvrit la deuxième porte à gauche et trouva rapidement l’interrupteur. La pièce, un peu plus grande que la précédente, était également pourvue d’un évier, ainsi que d’une table de travail, d’un bureau et d’une chaise. Des vases à bec, des ballons et des tubes à essai étaient rassemblés en désordre. Tout un éventail de produits chimiques était étalé sur les étagères. Gaëlle vit, en outre, un bec benzène, un four, une balance, des filtres et ce qui lui sembla être une centrifugeuse. Un laboratoire de chimie à domicile.
Des photos étaient accrochées aux murs. Les plus récentes avaient été scotchées dans les moindres espaces libres et recouvraient en partie les autres, de sorte que Gaëlle voyait clairement l’ordre dans lequel les différents clichés avaient été tirés, comme s’il s’agissait des strates d’un site archéologique. Les plus anciennes étaient là depuis des années, à en juger par leur décoloration et le jaunissement du ruban adhésif, qui ne collait plus que par habitude.
Chaque photo représentait une plante ou un champignon dans la nature, dans la serre ou bien dans la cuisine. À chacune était associée une note attachée à l’aide d’un trombone, sur laquelle étaient griffonnées des consignes de préparation et des informations sur les dosages, les expériences effectuées et les antidotes disponibles.
Il y avait également une étagère de livres : un guide des champignons psychotropes ; une brochure sur l’ethnobotanique africaine ; un ouvrage sur les cultes chamaniques païens ; Les Portes de la perception , d’Aldous Huxley ; des livres de Wasson, de Ruck. Gaëlle feuilleta un guide sur les hallucinogènes et s’arrêta sur une aquarelle évocatrice de Myristica fragrans et une photo magnifique de Galbulimima belgraveana , un narcotique provoquant des visions, employé par les indigènes de Papouasie.
Elle sortit et franchit le seuil de la troisième pièce, située juste en face. Celle-ci, beaucoup plus vaste, était mieux éclairée. Elle était presque entièrement consacrée à un archivage minutieux. Toutes les boîtes à archives étaient datées et référencées selon le code de Petitier. Les plus anciennes remontaient à plus de dix ans. Gaëlle en ouvrit une au hasard et trouva quatre fragments de sceau de pierre portant une inscription en linéaire A, enveloppés individuellement dans du papier de soie. Elle remit la boîte à sa place et en ouvrit quelques autres. Il y avait là des tessons de poterie sur lesquels étaient peintes différentes espèces de la faune et de la flore, une figurine en terre cuite représentant une femme enceinte, un superbe petit vase polychrome, des fragments de marbre et de grès, et une dague en bronze dont le manche et la lame étaient ornés de motifs.
Gaëlle prit la dague et alla l’examiner sur la table de travail, où il y avait davantage de lumière. Ses mains tremblaient d’émotion, mais elle éprouvait aussi de la colère envers Petitier, qui avait gardé tous ces trésors pour lui. Une dizaine de photos était fixée au mur, au-dessus de la table. Elles avaient toutes été prises en extérieur. Chacune
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