Le secret d'Eleusis
Demain matin, peut-être.
— Merci, je vous fais parvenir votre argent.
Nadia raccrocha, se massa les tempes et resta assise une minute. Le vin blanc lui faisait de l’œil. Elle était épuisée et avait toutes les raisons de l’être. Elle méritait bien un peu de repos. De toute façon, elle n’arriverait jamais avant le jet des Nergadze, alors à quoi bon gâcher sa soirée ? Mais elle revit le regard acéré de Mikhaïl Nergadze à la conférence de presse et sursauta comme si elle venait de se brûler.
Elle se redressa sur son fauteuil. Elle ne pouvait peut-être pas être à Athènes avant le jet, mais rien ne l’empêchait d’envoyer quelqu’un à sa place. Internet était fait pour ça. Elle poussa un long soupir, remit sa bouteille de vin au réfrigérateur et retourna à son bureau en boitant pour rallumer son portable.
Chapitre 5
I
Travailler pour les Nergadze présentait des avantages, songeait Édouard , tandis que le chauffeur les conduisait, Boris et lui, du terminal privé de l’aéroport international de Tbilissi au Gulfstream 550 garé à proximité. Ces gens-là savaient vivre ! Le copilote accueillit les passagers et les escorta jusqu’au luxueux salon principal. Deux hommes de main des Nergadze étaient déjà là et tuaient le temps en jouant aux cartes. Boris les présenta rapidement à Édouard. Petit et sec, Zaal avait le regard fuyant et soupçonneux, comme s’il avait passé toute sa vie en cavale. Davit, à l’inverse, était une sorte de géant débonnaire doté d’oreilles en feuilles de chou et d’un nez de boxeur. Édouard avait l’impression bizarre de l’avoir déjà vu quelque part.
Il leur serra la main et attendit qu’ils l’invitent à se joindre à eux, comme ils venaient de le proposer à Boris. Mais personne ne fit attention à lui. Il haussa les épaules et se laissa tomber dans un siège en cuit blanc, de l’autre côté de l’allée. L’équipage s’apprêtait pour le décollage. L’avion roulait déjà sur la piste. Pas d’attente interminable. Le jet s’élança presque aussitôt dans le ciel crépusculaire de Tbilissi. Édouard regarda par la grande baie vitrée le feu d’artifice de la ville, qui disparaissait progressivement derrière les premiers nuages. Puis un steward à l’allure androgyne troublante servit des côtes d’agneau dans des assiettes en argent et du Champagne millésimé dans des coupes Fabergé en cristal noir.
À l’approche d’Athènes, Édouard sentit ses sinus et ses oreilles se boucher. Ses yeux se remplirent de larmes. Il se pinça le nez et souffla doucement pour équilibrer la pression. Lorsque le jet atterrit, deux agents de l’immigration vinrent à la rencontre des passagers. Édouard , qui avait toujours les oreilles bouchées, dut se pencher en avant et se concentrer pour comprendre ce qu’ils disaient. Deux 4x4 Mercedes aux vitres teintées attendaient sur le tarmac. Les clés étaient déjà sur le contact. Boris sortit une feuille pliée en deux de sa poche.
— Voici l’adresse de Mikhaïl Nergadze, dit-il à Édouard. On se retrouve là-bas.
— Mais je ne connais pas Athènes ! protesta Édouard. Comment vais-je trouver ?
— Les voitures sont équipées d’un navigateur GPS. Vous savez vous servir d’un GPS, je présume.
— Oui, bien sûr, mais où allez-vous ?
— Occupez-vous de vos affaires !
Édouard rougit. Si Ilya et Sandro Nergadze lui avaient toujours manqué de respect, il n’avait pas l’intention de se laisser traiter de la sorte par leur personnel.
— Je vous ai posé une question poliment, vous pourriez me répondre avec un peu plus de...
— Votre portable et votre portefeuille, réclama Boris, la main tendue.
— Je vous demande pardon ?
— Vous m’avez parfaitement compris. Votre portable et votre portefeuille.
— Et si j’en ai besoin ?
— Nous sommes en mission. Seules les communications sécurisées sont autorisées. Votre portable n’est pas sécurisé, alors donnez-le-moi.
— Et mon portefeuille ? Il n’est pas sécurisé non plus ?
— Ne compliquez pas les choses inutilement, conseilla Boris. Cela ne vous avancera à rien.
Il fit un signe de tête à Davit, qui prit Édouard en étau entre ses bras, pendant que Zaal lui faisait les poches pour s’emparer de son portable et de son portefeuille.
— Mais si je tombe en panne ? s’inquiéta Édouard.
Boris sortit une liasse de billets de sa poche arrière et en
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