Le secret d'Eleusis
de son sourire aux canines pointues, ses yeux étaient d’un bleu si éblouissant qu’elle se dit qu’il devait s’agir de lentilles de couleur. Vêtu d’un costume à la coupe parfaite et d’une chemise en soie blanche ouverte, il portait des chaussures en cuir de vachette et une montre en or, qui pendait négligemment sur son poignet comme un bracelet.
— Laissez-moi vous aider, dit-il en prenant les deux premiers livres de la pile qu’elle tenait.
Il s’exprimait dans un grec correct mais avec un accent très marqué.
— Qu’est-ce que vous faites ? protesta Olympia.
Encombrée par le reste de la pile, elle ne pouvait rien faire pour l’arrêter. Et puis, de toute évidence, c’était le genre d’homme qui obtenait toujours ce qu’il voulait, quoi qu’on dise. Il ouvrit le petit coffre de la Ferrari, posa les livres à l’intérieur et vint chercher les autres. Elle le regarda ranger ses affaires et refermer le coffre.
— Qu’est-ce que vous faites ? répéta-t-elle.
Il continua à lui sourire, comme si ce qu’il faisait était tout naturel. Mais Olympia se fia au martèlement de son cœur et sut que ce n’était pas normal.
— Qu’est-ce qui se passe ? insista-t-elle, la voix légèrement tremblante.
Elle chercha des yeux une personne susceptible de lui venir en aide, une personne du monde des adultes. Mais tout le monde était absorbé dans ses pensées. Même le pervers du banc regardait désormais de l’autre côté.
— S’il vous plaît, implora-t-elle, rendez-moi mes livres.
— Ils ne risquent rien dans le coffre, la rassura le conducteur de la Ferrari.
— Ils ne sont même pas à moi ! se récria-t-elle.
— Ils ne vont pas s’abîmer, affirma-t-il en lui prenant la main. Faites-moi confiance.
Il avait la peau un peu rêche au toucher, comme un papier de verre extrêmement fin. Il souriait à Olympia en la regardant droit dans les yeux, avec un aplomb qui lui donnait l’impression d’être horriblement faible, comme les matins où elle n’avait pas la force de ramasser son oreiller tombé par terre. Il hocha la tête, comme pour lui faire savoir qu’il la comprenait et qu’elle n’avait aucune raison de n’inquiéter. Puis il ouvrit la portière côté passager et l’encouragea à monter d’un geste presque imperceptible. Elle hésita. Elle savait que c’était de la folie mais s’exécuta malgré tout. Il referma la portière avec détermination, fit le tour de la voiture et monta à côté d’elle.
— Votre ceinture de sécurité, dit-il en se penchant au-dessus d’elle pour l’attacher. Je ne voudrais pas qu’il vous arrive quelque chose.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.
— Je m’appelle Mikhaïl, répondit-il. Et vous ?
— Olympia, annonça-t-elle après un moment d’hésitation.
— Enchanté, Olympia.
Mikhaïl contempla la jeune fille avec l’impassibilité qui le caractérisait, lui passa une mèche de cheveux derrière l’oreille et lui caressa doucement la joue avec le pouce. Olympia sentit un fourmillement là où il l’avait touchée ; son cœur se serra et s’emballa. Ils restèrent un instant immobiles, puis il lui fit un large sourire, qu’elle lui rendit sans réfléchir, incapable de se contrôler.
— Vous êtes très belle, Olympia, murmura-t-il. Vous allez en briser des cœurs !
Elle ne répondit rien. Elle ne savait pas quoi dire. Il s’adossa à son siège et tourna la clé de contact. Le moteur rugit majestueusement, telle une bête sauvage enfermée dans un zoo. Mikhaïl desserra le frein à main et se retourna pour regarder le trafic. Olympia était imprégnée de sensations nouvelles, à la fois douces et ardentes, apaisantes et pénétrantes. Depuis peu, juste avant de s’endormir, elle était hantée par des pensées inhabituelles, qui mettaient en scène des hommes exactement comme celui-ci. Mais jamais elle n’avait imaginé que ce genre de scénario se déroulerait dans la vraie vie. Une petite voix, celle de sa mère, la supplia de descendre pendant qu’il en était encore temps. Mais Olympia savait qu’elle n’en ferait rien.
— Où allons-nous ? demanda-t-elle.
En réalité, cette question signifiait : « Qu’allez-vous faire de moi ? »
— Vous allez bientôt le savoir, répondit Mikhaïl en déboîtant.
Chapitre 4
I
Un jeune homme aux cheveux d’un roux flamboyant regarda Knox entrer dans la cellule de détention. Les sourcils froncés, il se pencha
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