Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
Vom Netzwerk:
La chambre était sens dessus dessous, jusqu’aux lattes du plancher qu’on avait arrachées.
    — Monsieur Ménager ?
    Il s’aventura dans une seconde pièce, éclairée chichement par une étroite fenêtre. Un buffet renversé, une table, un lit en bataille.
     – Monsieur Ménager ? Vous êtes là ?
    Plaqué au mur, derrière la porte d’entrée, l’émissaire se faufila sur le palier, escalada l’échelle, souleva la trappe en silence : un jeu d’enfant pour qui s’était toujours efforcé de maintenir sa forme physique.
    Joseph s’avança, et il le vit. Il gisait sur le dos, un bras replié sous le corps. Il était mort. La fixité de son regard ne laissait planer aucun doute. Joseph se figea.
    « Non, supplia-t-il in petto. Non, par pitié ! »
    Maîtrisant sa répugnance, il écarta les pans de la redingote. Là, cette marque sombre au milieu du maillot de corps, du sang.
    Il était penché sur le cadavre lorsqu’il entendit le bruit. Cela provenait de la cour. Il écouta, mais à présent c’était le silence. Il eut un mouvement de recul alors que le bruit se reproduisait. Il s’approcha de la fenêtre.
    Une femme brune, enveloppée d’une cape noire, fonçait vers l’escalier.
    Il tomba à plat ventre et rampa sous le lit avec une hâte éperdue. Une pensée idiote lui frappa l’esprit : « Il doit y avoir des punaises. » Ratatiné contre la cloison, il ne put éviter la vue du corps de Ménager. Il réalisa que ses dents claquaient plus vite que des castagnettes.
    « Contrôle-toi ! »
    Il entendait la femme gravir les marches qui ne craquèrent pas.
    « Elle a l’habitude. »
    Il aperçut une paire de bottines. Elle venait droit sur lui.
    Les bottines s’immobilisèrent à quelques centimètres du cadavre. Il se colla au sol. Les bottines pivotèrent. Cette fois l’escalier gémit. Joseph s’extirpa de sa cachette, se coula vers la vitre. La femme tirait l’orgue de Barbarie.
    Joseph bondit, dévala les marches, galopa jusqu’au porche. La femme, arc-boutée à son instrument, se hâtait en direction de la rue de Charonne.
    L’émissaire se releva. Ses jambes se propulsèrent en avant, dégringolèrent l’étage, arpentèrent la cour. Un regard à l’appentis : l’orgue s’était volatilisé. Enfourcher sa monture.
    L’émissaire lança le pédalier.
    À la queue leu leu, ils remontaient la rue de Charonne : la femme à l’orgue, et, à peu de distance, le commis.
     

 
     
     
     
     
     
CHAPITRE XIII
    Samedi 16 avril, après-midi
     
    Mme Ballu avait revêtu son manteau en peau de lapin et goûtait un repos bien mérité sur sa chaise, devant l’immeuble, juste dans l’axe d’un rayon de soleil. Euphrosine Pignot arriva, peinant à porter un panier empli de pommes qu’elle posa brusquement au milieu du trottoir.
    — Ma pauvre, vous allez vous ruiner les rognons !
    — M’en parlez pas. J’voulais demander le soutien de mon fils, mais monsieur a joué la fille de l’air.
    — C’est normal à son âge, faut lui lâcher la bride !
    — Est-ce que j’le retiens, moi ? Il peut prendre ses cliques et ses claques si ça lui chante, bougonna Euphrosine en se massant les lombes.
    — Allons, allons, dites pas ça, il vous manquerait. Au fait, il paraît quand son prochain feuilleton ? Je m’régale d’avance.
    — Fainéant comme il est ! Au lieu de travailler, il fait le joli cœur auprès de la fille de M. Mori, j’ai pas les yeux dans mes poches, y a anguille sous roche.
    — Non !
    — Si ! Vous vous rendez compte s’ils font des bêtises ? Ah, ce serait du propre ! Je s’rais grand-mère d’un rejeton à moitié charentais, à moitié japonais !
    — Parce que vous êtes de la Charente ? C’est beau
    là-bas, y a des huîtres.
    — La Charente tout court, pas la maritime ! Vous et la géographie, ça fait deux.
    — C’est égal, vous avez de beaux fruits, y en a pour une petite somme. Moi qui vous cause, j’ai un trou sous l’ nez qui m’ coûte cher !
    — Eh ben, servez-vous, c’est une ancienne relation des Halles qui m’les a données.
    Mme Ballu ne se fit pas prier. Le giron encombré de pommes elle se rassit, tandis qu’Euphrosine soulevait son panier.
    — J’vous aurais prêté la main, seulement j’me sens toute mollasse, j’ai astiqué mes cuivres et mon dos n’est plus d’accord, précisa la concierge.
    — Pardon mesdames, je cherche un atelier de photographe.
    Euphrosine et Mme Ballu

Weitere Kostenlose Bücher