Le seigneur des Steppes
prière.
Lorsqu’ils commencèrent à redescendre, Taran se retrouva en
terrain inconnu et leur allure se réduisit de manière inquiétante. La lumière
diffuse du soleil semblait provenir de partout, ce qui n’aidait pas à trouver l’est.
Lorsqu’une rafale de vent plus forte révélait les montagnes de chaque côté, Khasar
et Kachium scrutaient les environs, mémorisaient la configuration des lieux. À
midi, ils estimèrent qu’ils devaient se trouver à mi-chemin de la descente, au-dessus
des forts jumeaux de la passe.
Une pente escarpée de plus de cinquante pieds les ralentit
de nouveau. Des cordes abandonnées indiquaient l’endroit où l’éclaireur jin
avait grimpé mais, après plusieurs journées dans le froid, elles étaient
devenues cassantes et ils en attachèrent de nouvelles avant de descendre
prudemment. Ceux qui avaient des gants les ôtèrent et s’aperçurent que leurs
doigts devenaient rapidement blancs et raides. Avoir les doigts gelés était
plus qu’inquiétant pour des hommes devant faire usage de leur arc. En descendant
les pentes accidentées, les guerriers ouvraient et refermaient les mains ou les
fourraient sous leurs aisselles, à l’intérieur de deels aux manches
pendantes.
Beaucoup glissèrent et pour ceux qui avaient les mains sous
les aisselles, la chute était plus dure. Ils se relevaient péniblement, le
visage crispé dans le vent, tandis que d’autres les dépassaient sans leur
accorder un regard. Chacun se remettait debout sans aide pour ne pas se
retrouver à la traîne.
Taran poussa un cri d’avertissement lorsque la piste se
divisa. Sous la neige, elle n’était guère plus qu’une ride sur la surface
blanche mais elle serpentait maintenant dans deux directions et il ne savait
pas laquelle les conduirait en bas.
Khasar le rejoignit, leva le bras pour arrêter ceux qui suivaient.
La colonne remontait presque jusqu’à l’endroit où gisait le corps de Vesak. Ils
ne pouvaient pas prendre de retard et un mauvais choix risquait de les mener à
une mort lente d’épuisement dans un cul-de-sac.
Khasar mâchonna un morceau de peau morte arraché à ses
lèvres, tourna vers son frère un regard interrogateur.
— Continuons vers l’est, dit Kachium. L’autre sentier
doit ramener aux forts.
— Justement, ce pourrait être une autre façon de les
surprendre, répliqua Khasar.
Le sentier disparaissait vingt pas plus loin dans la neige
tourbillonnante.
— Gengis veut que nous soyons derrière les Jin le plus
vite possible, rappela Kachium.
— Il ignorait qu’il y a peut-être un autre sentier qui
conduit directement aux forts. Ça vaut au moins la peine d’aller voir.
Agacé, Kachium secoua la tête.
— Il ne nous reste qu’une nuit, Gengis attaquera à l’aube.
Et si tu te perds dans la montagne, tu mourras de froid.
— Pourquoi moi ? dit Khasar avec un grand sourire.
Je pourrais t’ordonner de prendre l’autre sentier.
Kachium soupira. Gengis n’avait confié le commandement à
aucun d’eux en particulier et c’était une erreur quand il fallait compter avec
Khasar.
— Non, tu ne peux pas, répondit-il d’un ton patient. Je
continue, avec ou sans toi. Je ne t’empêcherai pas de prendre l’autre direction
si tu t’obstines.
Khasar hocha pensivement la tête. Malgré sa désinvolture
apparente, il avait conscience des risques.
— J’attends ici et je prends les mille derniers hommes,
décida-t-il. Si le chemin ne mène nulle part, je fais demi-tour et je te
rejoins dans la nuit.
Les deux frères se serrèrent brièvement la main puis Kachium
et Taran repartirent, laissant Khasar inciter les autres à presser le pas.
Compter neuf mille hommes avançant lentement lui prit
beaucoup plus longtemps qu’il ne l’avait pensé. Lorsque le premier des mille
restants apparut, il commençait déjà à faire noir. Khasar s’approcha du
guerrier chancelant, le prit par les épaules et cria par-dessus le vent :
— Suis-moi !
Sans attendre de réponse, il s’engagea dans l’autre sentier,
s’enfonçant presque jusqu’aux hanches dans la neige fraîche. Les hommes
engourdis par la souffrance et le froid obéirent à son ordre sans discuter.
Sans Khasar à son côté, Kachium avançait en silence dans le
jour déclinant. Taran continuait à mener la colonne même s’il ne connaissait
pas le sentier mieux que les autres. La descente devint un peu plus facile et l’air
moins raréfié. Kachium s’aperçut
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