Le seigneur des Steppes
du plan. Il suffira aux attaquants de savoir
que tu les regardes. Je les ai choisis pour leur sang-froid et leur courage. Ils
suivront les ordres.
— Il le faut, répondit Gengis.
Ses frères s’écartèrent pour laisser passer le groupe d’assaillants
et la longue plaque protectrice qu’ils portaient au-dessus de leurs têtes.
— Je veux voir cette muraille tomber, leur dit le Grand
Khan. Si ce n’est sous le sabre et le marteau, alors par la ruse. Plusieurs d’entre
vous mourront mais le père ciel aime la bravoure, vous serez les bienvenus. Vous
ouvrirez une route vers le royaume prospère qui s’étend au-delà des collines. Faites
battre les tambours et sonner les cors. Que l’ennemi les entende et prenne peur.
Que leur son porte jusqu’aux Xixia, et même jusqu’aux Jin dans leurs grandes
cités.
Les guerriers respirèrent à fond pour se préparer à la ruée
qui allait suivre. Au loin, un oiseau porté par les courants chauds lança un
cri aigu. Kökötchu assura que c’était bon signe et les hommes levèrent la tête
vers le ciel. Les tambours se mirent à donner la cadence du combat et leur
rythme familier souleva les guerriers, fit battre leur cœur plus vite. Gengis
baissa le bras, les cors mugirent. Le premier groupe gagna au trot l’endroit où
la gorge faisait un coude puis accéléra en poussant un cri de défi. Du fort s’élevèrent
en réponse des braillements.
— Nous allons voir, dit Gengis, sa main se fermant puis
s’ouvrant sur la poignée de son sabre.
Les voix des guerriers rebondissaient sur les parois
rocheuses tandis qu’ils couraient. Ils haletaient sous le poids de la lourde
plaque qu’ils tenaient au-dessus de leurs têtes, déjà à moitié aveuglés par la
sueur. La palissade prouva son utilité, aussitôt criblée de traits noirs dont
les empennages de couleur tremblaient. Gengis remarqua que les archers, disciplinés,
tiraient tous ensemble après en avoir reçu l’ordre. Il y eut quelques coups
heureux et lorsque le groupe atteignit la muraille, trois corps gisaient
derrière, le visage dans le sable.
Des coups sourds résonnèrent dans la passe lorsque les
hommes munis de marteaux s’attaquèrent à la porte. En haut, les archers se
penchèrent pour tirer à la verticale sur la moindre brèche. Des guerriers tombaient
à découvert en criant et leurs corps tressautaient quand d’autres projectiles
les frappaient.
Gengis jura à mi-voix quand il vit qu’on hissait de lourdes
pierres sur le parapet. Il avait discuté de cette éventualité avec ses généraux
mais il n’en grimaça pas moins quand un officier ennemi coiffé d’un casque
emplumé leva le bras et aboya un ordre. La première pierre sembla mettre un
temps infini à choir et Gengis entendit le bois craquer quand elle fit s’agenouiller
les hommes soutenant la palissade. Tandis qu’ils se redressaient péniblement, les
hommes aux marteaux cognaient plus fort, sur un rythme plus rapide que les
tambours qu’ils avaient laissés derrière eux.
Deux autres pierres tombèrent avant que la plaque en bois
éclate. Les marteaux furent jetés dans le sable, des cris de panique fusèrent
quand les archers trouvèrent de nouvelles cibles. Gengis serra les poings en
voyant ses guerriers se disperser et s’enfuir. La porte avait résisté.
Dans la débandade, d’autres guerriers s’effondrèrent sous
une grêle de flèches bourdonnantes. Une dizaine à peine parvinrent à se mettre
hors de portée, pantelants, les mains sur les genoux. Derrière eux, le sol
était jonché des objets qu’ils avaient abandonnés dans leur fuite et de
cadavres hérissés de traits.
Gengis s’avança lentement, leva les yeux vers les défenseurs
du fort. Il entendit leurs cris de triomphe et dut faire un effort pour leur
tourner le dos et s’éloigner.
Du point le plus élevé de la muraille, Liu Ken regarda la
haute silhouette disparaître, une lueur de satisfaction dans ses yeux démentant
le masque impassible qu’il montrait aux soldats qui l’entouraient. Ils
souriaient et échangeaient des tapes dans le dos comme s’ils avaient remporté
une grande victoire. Leur stupidité l’irrita.
— Relevez les hommes, faites monter cinq sui d’archers
frais, ordonna-t-il sèchement.
Les sourires disparurent.
— Nous avons tiré des centaines de flèches, veillez à
ce que les carquois soient à nouveau pleins. Donnez à boire à chacun.
Les mains appuyées sur la pierre ancienne, Liu
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