Le seigneur des Steppes
sourire épanoui quand il fut suivi
par un hennissement.
Les quatre hommes avançaient avec précaution vers la lumière,
le bruit de leur progression couvert par les exclamations joyeuses. Quand ils
furent tout près, Khasar s’allongea sur le ventre, observa la petite clairière
où une mule tirait sur sa bride nouée à une branche. À son grand plaisir, il
découvrit aussi trois chevaux aux poils longs attachés un peu plus loin. Petits
et maigres, ils gardaient l’encolure baissée. Le regard du Mongol se durcit
lorsqu’il remarqua les lignes blanches de cicatrices sur leur arrière-train. Il
prit son arc, disposa des flèches sur les bruyères.
Assis autour du feu, trois hommes en tourmentaient un
quatrième, petit et vêtu d’une robe rouge foncé. Son crâne rasé luisait de
sueur. Les trois autres n’avaient pas d’armure mais portaient des poignards à
la ceinture et l’un d’eux avait appuyé son arc contre un arbre. Avec des
expressions cruelles, ils continuaient leur jeu, tendant soudain le bras pour
frapper le petit homme. Celui-ci avait le visage meurtri et gonflé, mais l’un
des trois autres saignait du nez et ne riait pas avec ses comparses.
Sous les yeux de Khasar, celui dont le nez saignait frappa
le petit homme avec un bâton. Le coup retentit dans la clairière et fit
chanceler le souffre-douleur. Khasar eut un sourire de loup en encordant son
arc puis retourna auprès de Ho Sa.
— Il nous faut leurs chevaux, murmura-t-il. Ce ne sont
pas des soldats et je peux en abattre deux avec mon arc si tu t’occupes du
troisième. Ils cognent sur un quatrième, qui a la tête lisse comme un œuf. Il
continue à se battre mais il n’a aucune chance contre trois.
— C’est peut-être un moine, dit Ho Sa. Ils sont
coriaces, même s’ils passent leur temps à mendier et à prier. Ne le sous-estime
pas.
Khasar eut l’air amusé.
— J’ai passé mon enfance à apprendre à manier une arme,
de l’aube au crépuscule. Je n’ai pas encore rencontré l’un des tiens capable de
me résister.
Ho Sa secoua la tête.
— Si c’est un moine, il n’essaiera pas de tuer ses
agresseurs. J’en ai vu montrer leurs talents à mon roi.
— Vous êtes un peuple étrange, grogna Khasar. Des
soldats qui ne savent pas se battre et de saints hommes qui excellent au combat.
Dis à Lian de se tenir prêt à fendre un crâne avec son marteau quand je tirerai.
Khasar rampa de nouveau vers le groupe, se mit lentement en
position assise et découvrit avec étonnement que l’homme saignant du nez se
tordait maintenant de douleur sur le sol. Les deux autres étaient tombés dans
un silence menaçant. Le jeune moine se tenait droit malgré les coups reçus et
parlait posément à ses tortionnaires. Avec un sourire méprisant, l’un d’eux
jeta son bâton et dégaina la dague passée à sa ceinture.
Khasar banda son arc. Le moine l’aperçut à travers les
flammes du feu et fléchit souplement les jambes, comme s’il s’apprêtait à
bondir. Les autres ne remarquèrent rien et l’homme à la dague se rua sur lui.
Relâchant sa respiration, Khasar décocha une flèche qui
atteignit le brigand à l’aisselle et le décolla du sol. L’autre se retourna au
moment où Lian et Ho Sa surgissaient de leur cachette en criant. Le moine s’approcha
du bandit encore debout et l’expédia dans le feu d’un coup à la tête. Ho Sa et
Lian le rejoignirent mais le moine, voyant que les cheveux de son agresseur
commençaient à fumer, le tira des flammes et lui tapota le crâne pour éteindre
le feu. Alors seulement, il se tourna vers les nouveaux venus et les salua de
la tête.
Le voleur qui saignait du nez geignait à présent, autant de
peur que de souffrance. Khasar encocha une autre flèche et s’approcha à son
tour, suivi de Temüge.
Devinant l’intention du Mongol, le moine s’interposa entre
lui et la forme qui se tortillait sur le sol. Avec son crâne rasé, il avait l’air
à peine plus âgé qu’un jeune garçon.
— Écarte-toi, lui enjoignit Khasar.
Sans qu’un muscle tressaille, le moine croisa les bras et ne
bougea pas.
— Dis-lui de s’écarter, Ho Sa. Dis-lui qu’on a besoin
de sa mule mais qu’il pourra partir de son côté une fois que j’aurai tué cet
homme.
Ho Sa traduisit et le visage du moine s’éclaira quand il
entendit une langue qu’il connaissait. Suivit un échange plutôt vif et plutôt
long pendant lequel Khasar finit par relâcher la corde de son arc
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