Le seigneur des Steppes
monture partagée.
— La steppe nous appelle, frère. Tu le sens ?
— Je le sens, répondit Temüge.
Il était lui aussi impatient de retrouver les guerriers, mais
uniquement parce qu’il connaissait mieux à présent ce qu’ils pouvaient
conquérir. Tandis que Khasar rêvait de guerre et de pillage, Temüge voyait des
villes, et toute la beauté, tout le pouvoir qui allaient avec.
DEUXIÈME PARTIE
1211 après J. -C. Xin-Wei
(Tronc Céleste du Métal.
Rameau Terrestre du Mouton.)
Dynastie Jin, empereur
Wei
16
Gengis, portant son armure, assistait à la destruction de la
ville de Linhe. Les rizières inondées s’étaient transformées en boue brune sur
près de trente lis autour de la cité que son armée assiégeait. Son enseigne aux
neuf queues de cheval pendait mollement, faute de vent, tandis que le soleil
couchant accablait ses guerriers.
De chaque côté du khan, des féaux dont les montures
frappaient le sol du sabot attendaient les ordres. Près de lui, un serviteur
tenait la bride de sa jument alezane, mais Gengis n’était pas encore prêt à
monter en selle.
Non loin des troupes, on avait planté une tente rouge sang. À
cent lis à la ronde, l’armée mongole avait écrasé toute résistance jusqu’à ce qu’il
ne reste plus que Linhe, comme Yinchuan naguère. Les Mongols avaient trouvé les
forts et les villes de garnison déserts car les soldats jin battaient en
retraite devant un ost avec lequel ils ne pouvaient espérer rivaliser. Les
Mongols avaient porté devant eux la peur de l’invasion et repoussé les limites
du pouvoir jin, laissant les villes dévastées. Même la grande muraille n’avait
pu résister aux catapultes et aux échelles de son peuple. Gengis avait pris
plaisir à voir ses nouvelles machines de guerre en détruire de vastes pans en
guise d’exercice. Ses hommes avaient balayé les défenseurs et incendié les
postes en bois. Les Jin ne pouvaient pas les arrêter, ils ne pouvaient que fuir
ou être anéantis.
Le moment viendrait de régler les comptes, Gengis en était
sûr : quand se dresserait un général capable de rassembler les Jin, ou
quand les Mongols parviendraient à Yenking. Ce ne serait pas aujourd’hui.
Xamba était tombée au bout de sept jours, Wuyuan avait brûlé
au bout de trois seulement. Gengis regarda les pierres de ses catapultes
fissurer les murs de Linhe et sourit, satisfait. Le maître maçon que ses frères
avaient ramené lui avait montré une nouvelle façon de faire la guerre, il ne
serait plus jamais arrêté par de hauts murs. En deux ans, son peuple avait
construit des catapultes et appris les points faibles des murailles jin. Ses
fils étaient devenus grands et forts, et il avait été là pour voir l’aîné
atteindre l’âge d’homme.
Bien qu’il se tînt derrière l’alignement de catapultes, il
entendait clairement les coups sourds des pierres atteignant leur cible. Les
soldats jin réfugiés dans la ville n’osaient pas sortir pour affronter son
armée et s’ils le faisaient, il se féliciterait de ce dénouement rapide. La
tente rouge n’était pas de bon augure pour eux. Peu à peu, les murs se
lézardaient sous les pierres que ses hommes en sueur projetaient dans l’air. Lian
lui avait montré les plans d’une arme bien plus redoutable qui, grâce à un
système de contrepoids, enverrait des rochers plus loin encore avec une force
terrible. Le maître maçon avait trouvé sa vocation en concevant des machines
pour un chef qui appréciait ses talents. Gengis avait découvert qu’il était
capable de comprendre les dessins de Lian comme s’il avait toujours eu les
connaissances nécessaires. Les mots écrits demeuraient pour lui un mystère, mais
leviers et cordes, force et friction, tout cela était instantanément clair dans
son esprit. Il laisserait Lian construire sa grande machine pour attaquer
Yenking.
La cité impériale n’était cependant pas une autre Linhe
facile à soumettre sous les pierres. Gengis grogna en se représentant les
douves et les immenses murailles que Lian lui avait décrites, larges à leur
base de sept longueurs d’homme. Si les murs de Xamba s’étaient effondrés dans
les galeries creusées en dessous, les fondations des tours de Yenking étaient
en pierre et ne pouvaient être sapées. Il lui faudrait plus de catapultes pour
réduire la ville de l’empereur, mais Gengis disposait d’autres armes et après
chaque victoire ses guerriers gagnaient en
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