Le seigneur des Steppes
quand il s’enorgueillissait
d’un fort de pierre noire et que le royaume xixia vivait dans un superbe
isolement.
Ho Sa tourna son cheval vers les champs dévastés de son pays.
Au loin, des plaques noires recouvraient la terre là où les épis pourris
avaient été brûlés. La famine avait dû frapper les villages et peut-être même
Yinchuan. Le Xixia secoua lentement la tête à cette pensée.
Après quatre mois d’absence, il retrouverait avec joie ses
fils et sa femme. Il se demanda si l’armée s’était remise de la cuisante
défaite infligée par le Grand Khan. Les Mongols avaient brutalement mis un terme
à une longue période de paix. Ho Sa avait perdu des amis, des camarades, et son
amertume était toujours prête à resurgir. Ultime humiliation, il avait vu une
princesse royale livrée aux barbares. Il frissonna en songeant qu’une femme de
cette lignée était forcée de vivre dans une tente puante parmi les moutons et
les chèvres.
Pourtant, en contemplant la vallée, le Xixia se rendit
compte avec surprise que la compagnie de Khasar lui manquerait. Malgré la
grossièreté du Mongol et son penchant pour la violence, Ho Sa pouvait évoquer
leur voyage avec une certaine fierté. Aucun Xixia n’aurait réussi à s’introduire
dans une cité jin et à en repartir vivant avec un maître maçon. Certes, Khasar
avait failli les faire tuer tous dans un village où il avait bu trop d’alcool
de riz. Ho Sa passa la main sur la croûte de l’estafilade qu’un soldat lui
avait laissée au flanc droit. L’homme n’était même pas en poste dans ce village,
il rendait visite à sa famille. Une fois dessoûlé, Khasar ne s’était plus
souvenu de la rixe. C’était à certains égards l’homme le plus irritant que Ho
Sa eût rencontré, mais son optimisme insouciant avait contaminé l’officier
xixia, qui se demanda avec inquiétude s’il se ferait de nouveau à la stricte
discipline de l’armée du roi. Lorsqu’il faudrait porter le tribut annuel de l’autre
côté du désert, il se porterait volontaire pour conduire les gardes à seule fin
de découvrir la terre qui avait donné le jour à ces guerriers.
Khasar revint auprès de ses compagnons, transporté de joie à
la perspective de retrouver la steppe et de rapporter leur proie à Gengis. Ils
étaient tous sales et couverts de poussière, les rides du visage encrassées. Yao
Shu avait commencé à apprendre la langue mongole avec Ho Sa. Lian n’avait pas l’oreille
nécessaire pour cela mais avait quand même mémorisé quelques mots essentiels. Ils
regardaient Khasar, sans trop comprendre la raison de sa bonne humeur.
Le cœur étonnamment serré à l’idée de quitter cette étrange
compagnie, Ho Sa chercha les mots pour exprimer ses sentiments mais Khasar
parla avant qu’il ouvre la bouche :
— Regarde bien, Ho Sa. Tu ne reverras pas ton pays
avant longtemps.
— Quoi ? s’exclama le Xixia.
Khasar haussa les épaules.
— Ton roi t’a prêté pour un an. Quatre mois seulement
se sont écoulés, ajoute deux de plus pour parvenir aux monts du Khenti. Nous
aurons besoin de toi pour faire l’interprète avec le maçon et pour apprendre au
moine à mieux parler notre langue. Tu croyais que je te laisserais ici ? Mais
oui, tu le croyais !
Khasar parut ravi de l’expression amère qui traversa le
visage de Ho Sa.
— Nous retournons dans la steppe, Ho Sa. Le maçon nous
apprendra ce qu’il sait et quand nous serons prêts, nous repartirons en guerre.
D’ici là, tu nous seras peut-être si utile que je demanderai à ton roi de te
prêter un an ou deux de plus. Je crois qu’il acceptera volontiers si nous
diminuons en échange le montant du tribut.
— Tu fais ça pour me torturer, répliqua Ho Sa.
— Peut-être un peu, reconnut Khasar en riant, mais tu
es un guerrier vaillant et tu connais les Jin. Nous aurons besoin de toi à nos
côtés quand nous les affronterons.
Ho Sa jeta un regard furieux au Mongol, lequel lui asséna
une joyeuse tape sur la cuisse puis se retourna pour lancer aux autres, par-dessus
son épaule :
— Il faudra prendre de l’eau dans les canaux. Après ce
sera le désert, et ensuite les femmes et le butin. Qu’est-ce qu’un homme peut
demander de plus ? Je te trouverai même une veuve pour te tenir chaud, Ho
Sa. C’est une faveur que je te fais, si seulement tu pouvais le comprendre.
Khasar remonta sur son cheval, l’amena là où Lian aidait Temüge
à se hisser sur sa
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