Le Serpent de feu
poil.
— Il est tard ? m’enquis-je en me redressant.
— Deux heures moins le quart de l’après-midi.
— Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé avant ?
— Ce n’est pas faute d’avoir essayé ce matin avant de partir.
Inspectant autour de moi à la recherche d’une cafetière et des restes d’une collation, je n’en trouvai point trace.
James avait deviné mes pensées.
— J’ai pris mon petit déjeuner à l’extérieur. Je craignais que Miss Sigwarth insiste pour entrer dans le salon si je lui réclamais un plateau. Tu imagines sa tête en tombant sur notre invité ?
— Où étais-tu donc si pressé de te rendre comme ça ?
— J’ai commencé la tournée des autres cimetières londoniens figurant sur la page arrachée. La tombe de Marcus Bolton n’était peut-être pas la seule à avoir connu pareille infortune. En plein jour, ça m’a coûté beaucoup moins d’efforts que cette nuit pour dénicher leur emplacement.
— Et qu’as-tu trouvé ?
— Nada. Aucune marque, aucune griffure sur les pierres qui laisserait penser qu’on aurait voulu explorer le contenu du sépulcre. J’ai déjà inspecté trois tombes à Tower Hamlets et autant à Abney Park. Je suis venu te chercher pour m’aider à examiner les dernières : deux à Highgate, une à Brompton et une à la nécropole de Lambeth. En chemin, j’ai également appelé Staiton à son bureau. Je voulais savoir où il en était concernant Sam Holland. Il n’était pas franchement à prendre avec des pincettes, mais, comme les gars de la Section spéciale se cassent eux aussi les dents dans leurs enquêtes sur les milieux nationalistes, il a bien voulu m’accorder deux minutes de son temps si précieux.
— Je t’écoute, dis-je en allumant une cigarette à défaut de pouvoir ingurgiter une goutte de café.
— Eh bien, pas grand-chose en fait. Même si l’inspecteur continue à fonder ses espoirs sur la piste Holland, les recherches n’ont encore rien donné de ce côté-là. La police de Seattle n’arrive pas à mettre la main sur lui. Staiton a aussi consulté ses collègues de Swindon pour vérifier si Sam n’y aurait pas été aperçu dernièrement, mais ils n’ont rien constaté de tel. D’ailleurs, à les écouter, il ne paraît pas s’être déroulé grand-chose d’édifiant entre le 25 avril et le 3 mai dans leur patelin. Excepté deux fugues d’adolescents, une réunion de retraités qui a fini en combat de boxe et un représentant de commerce qui s’est fait estourbir pour douze shillings.
— Quel jour était-ce ?
— La réunion de retraités ?
— Le représentant de commerce.
— Le lundi 26 avril, vers minuit, aux abords de la gare. Il n’a pas eu le temps de voir son agresseur. Douze shillings ! Avec ça, le type s’est au moins offert un flacon de Johnny Walker label rouge !
— Hum… ou un billet pour Londres en troisième classe. En tous les cas, tu n’as pas chômé ce matin.
— Et toi ? As-tu obtenu des résultats en soumettant Flaxman à la question ? Quelles informations précieuses t’a-t-il livrées ? Je remarque que lui, au moins, a pris le temps de faire ses ablutions. Sa figure est propre comme un sou neuf.
Me souvenant des fragments que j’avais prélevés durant la nuit sur la peau du cadavre, je me levai aussitôt et me dirigeai vers le tiroir de mon bureau. Muni d’une loupe, j’examinai les dépôts sur la feuille de papier, puis les manipulai délicatement avec la pointe d’un stylet, faisant apparaître à la lumière du jour de minuscules éclats de pigments pourpres et indigo sous la mince croûte de terre.
Flaxman s’était-il lui aussi entiché de faire de la peinture ? La question me ramena incontinent au mystère de la double mort des Sparrow et au récépissé que nous avions rapporté de leur appartement.
Je reposai aussitôt la feuille et les instruments pour me mettre en quête du bottin mondain sur le bureau de James. En général, c’était toujours à cet endroit qu’on risquait de le trouver, noyé au milieu de dizaines d’autres annuaires de toutes sortes concernant le Royaume-Uni et plusieurs pays d’Europe, dont mon ami paraissait avoir entrepris de faire collection.
— Qu’est-ce que tu fouilles dans mes affaires ?
— Je cherche le Who’s Who.
— Pourquoi donc ?
— Dénicher des renseignements sur Reginald Forbes, l’homme qui a payé cinq cents livres sterling à Roger Sparrow.
— On
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