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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fabrice Bourland
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d’un tramway. Il compte nous faire visiter toute la ville comme ça ?
    — Ce n’est pas impossible. La ligne 65 court jusqu’à Canning Town !
    Nous suivîmes le tram à travers Commercial Road. Enfin, lorsque celui-ci fit halte peu après le début d’East India Dock Road, notre matelot en descendit et emprunta une des rues adjacentes qui courent vers la River .
    Nous venions de passer en peu de temps des demeures prospères de Chelsea aux bâtiments sordides de Limehouse et de Poplar. Le contraste était saisissant. Alors qu’il était bientôt onze heures et quart, une faune indigente et désœuvrée arpentait le quartier à la lumière malingre des réverbères. Pourtant, même au milieu de ces taudis abandonnés par la bonne société, la ferveur liée au couronnement qui allait être célébré en grande pompe à moins de quatre miles de là se faisait sentir : ici, dans une cour noire et crasseuse, des barreaux de fenêtres avaient été enveloppés de papiers tricolores ; là, des portraits de George VI et d’Elizabeth sommairement découpés dans des journaux illustrés étaient attachés à un réverbère ; là encore, sur la porte d’un Juif, l’effigie du couple royal s’encadrait dans une étoile de Salomon en tissu doré.
    Ayant abandonné la voiture, nous pressâmes l’allure pour ne pas nous laisser distancer, laissant derrière nous les voies les plus commerçantes. Au bout de l’artère où le matelot avait filé, nous l’aperçûmes qui croisait la vitrine éclairée d’un vieux troquet avant de virer à droite.
    À l’horizon, entre les immeubles, se dressait une forêt de mâts et de cheminées appartenant aux vaisseaux ancrés dans le bassin nord des West India Docks.
    — Intéressant, dis-je.
    — Quoi ?
    — Si je ne m’abuse, cette rue donne sur Poplar High Street.
    — Et alors ?
    — C’est du bureau de poste du coin que le message anonyme a été expédié au Yard, après le meurtre d’Auber-Jones.
    — Parfait. Je sens qu’on progresse.
    James huma à pleins poumons l’air chargé des miasmes de la Tamise et des égouts à ciel ouvert.
    La rue où l’individu avait tourné bordait le flanc sud du quartier chinois. Communément désigné sous le nom de « Chinatown », celui-ci consistait principalement dans la zone délimitée par Pennyfields et Limehouse Causeway, de part et d’autre de West India Dock Road, et il comprenait un tortueux dédale de ruelles sombres et de voies peu engageantes. Si les Chinois de Shanghai étaient surtout installés autour de Pennyfields, Amoy Place et Ming Street, les Chinois de Canton et du sud de la Chine avaient investi toute la portion entre Gill Street et Limehouse Causeway 1 .
    Arpentant un trottoir où les édifices désaffectés succédaient aux tripots puant le mauvais alcool, nous craignîmes un instant d’avoir égaré notre marin, lorsqu’il réapparut sous le halo d’un lampadaire, franchissant une intersection et bifurquant dans une nouvelle artère.
    Il marchait d’une allure égale et paraissait connaître à merveille la topographie du quartier. À aucun moment il n’hésitait sur le chemin à prendre – même quand il traversait des portions dénuées d’éclairage, ce qui arrivait plus souvent que j’eusse aimé –, ni ne se retournait pour vérifier qu’il n’était pas suivi.
    Au coin d’une misérable venelle, nous perdîmes encore notre homme de vue, mais, cette fois, la situation était plus sérieuse, car, nous y étant engagés à notre tour, nous ne distinguions sa silhouette ni d’un côté ni de l’autre.
    Le fleuve n’était pas loin. Un vent froid et chargé d’humidité s’était levé.
    — Il ne peut pas nous avoir filé entre les pattes ! s’emporta James. Je l’ai vu partir par ici il y a un instant.
    Sur le trottoir de droite s’élevait une longue muraille, vestige d’un édifice dont il ne subsistait que cet anachronique rempart. Troué de place en place par de hautes arches en pierre, celles-ci avaient été récemment murées, à l’exception de l’une d’elles qui encadrait une espèce de portillon.
    En nous approchant, nous remarquâmes que l’huis était barré d’un verrou à moitié rouillé, dont la pièce de fer avait été repoussée hors du crampon. On pouvait donc sans contrainte ouvrir le battant.
    — S’il était entré par là, on l’aurait entendu pousser le verrou, présumai-je.
    — À moins qu’il ne l’était déjà.
    James

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