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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fabrice Bourland
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en tête, vêtus pour certains de complets-veston et le crâne couronné de feutres ou de melons de seconde main, mais les Hindous, les Birmans et même les Égyptiens, accoutrés de toilettes exotiques ou en tenue de matelots ou de journaliers des docks, n’étaient pas en reste. Quelques Européens, latins, saxons ou scandinaves, parachevaient ce cocktail détonant de nationalités.
    M’étant avancé au milieu de la salle, j’avais aussitôt tenté de reconnaître dans l’assemblée la silhouette trapue après laquelle je courais, mais une rapide inspection me convainquit qu’elle ne s’y trouvait pas.
    À gauche, un escalier menait à une mezzanine où, la main appuyée contre la balustrade, près d’une porte, un Chinois efflanqué, habillé d’une veste en soie couleur de corail, tuait le temps en se balançant en équilibre sur une chaise.
    Alors que je me dirigeais vers les marches, une Eurasienne au maquillage outrancier, perchée sur des mules à hauts talons, se cramponna à moi et me proposa dans un anglais approximatif un verre d’alcool et quelques autres récréations dont je me félicitais de ne pas saisir entièrement le sens. Je me dégageai avec politesse et continuai mon chemin.
    Je gravis l’escalier et passai devant le Chinois. Je m’attendais à ce qu’il m’interdise l’accès à la mystérieuse pièce, mais il opina plusieurs fois du chef en prononçant le nom de « Ji Hao » – sûrement le nom du propriétaire de ce tripot clandestin, l’homme-chat dans la boutique –, puis se souleva de la chaise en rotin et poussa la porte avec le bout de son chausson.
    Le lieu dans lequel je pénétrai, exigu et puant la sueur, était saturé d’une fumée âcre, épaisse, irrespirable, qui n’était pas du tabac et piquait vivement la gorge. Quand la porte se fut refermée, je pouvais quand même me repérer malgré l’absence d’éclairage au plafond, car de petites lampes à huile, coiffées d’une cloche conique à l’extrémité ouverte et rétrécie, étaient disposées sur des plateaux. Deux marins asiatiques et un rouquin, assis en tailleur à même le sol, soumettaient à la flamme des lampes le fourneau d’un tuyau long de deux pieds environ. Près de la porte, d’autres pipes en bambou étaient rangées dans un petit chariot.
    Ces hommes, qui ne se souciaient aucunement de ma présence – ou qui n’étaient déjà plus en mesure d’en être conscients –, n’étaient pas tout seuls. Sur des couchettes superposées qui tapissaient chacun des murs, ou sur des lits de camp, d’autres personnes étaient étendues, la tête supportée par un oreiller et les yeux mi-clos.
    Je me trouvais dans une de ces fumeries qui faisaient la réputation du quartier et dont le démantèlement était une des promesses électorales les plus usuellement prodiguées depuis la fin de la guerre par les partis conservateurs.
    Les trois marins étaient en train de porter à température la perle de pâte verte enclose dans le fourneau. Dans quelques minutes, ils iraient se vautrer sur l’une des couches disponibles afin de donner libre cours à leurs rêveries opiacées. Sur les plateaux, outre les petites lampes, se trouvaient quelques bols remplis d’eau, des aiguilles et de longues tiges de cuivre servant d’écouvillon. Je remarquai également divers objets plus ou moins décoratifs, globes en verre coloré, vases, fleurs de jade, destinés à amuser les yeux des fumeurs et favoriser leurs divagations.
    En tout, je dénombrai une vingtaine d’individus dans ce galetas. Certains gémissaient, d’autres, revenus du lointain pays des prestiges, ronflaient copieusement.
    La crosse du calibre .455 serrée au creux de la main, dans la poche de mon manteau, je fis le tour des grabats pour examiner le visage de chacun des clients. Malheureusement, il n’y avait pas celui que je cherchais. Pour finir, j’avisai un peu plus loin, dans l’angle le plus sombre de la pièce, un corps ramassé en boule sur une natte. Si je n’apercevais que le dos du fumeur, revêtu d’une veste de gros coutil, et le fourneau grésillant de sa pipe, il apparaissait que son gabarit correspondait à celui de l’homme que nous avions aperçu devant la maison de Cecily.
    Je sortis le revolver de ma poche et, le canon braqué, je m’approchai avec une extrême précaution, me penchant lentement et sans bruit. Pourtant, avant même d’avoir compris ce qui m’arrivait, l’individu s’était retourné et

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