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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fabrice Bourland
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avait enroulé son bras musculeux autour de mon cou, opérant un étranglement d’une violence inouïe qui me comprima la trachée. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais étendu, le visage écrasé contre le bord de la paillasse. Quant à mon arme, mes doigts avaient déjà renoncé à la trouver.
    Une fois que je fus cloué au sol, la pression ne se relâcha pas pour autant, et la douleur à la gorge devint insoutenable. J’avais beau chercher à respirer à tout prix, pas le moindre souffle ne parvenait jusqu’à mes poumons. Ma vue commençait à se troubler, je n’allais plus tarder à défaillir. Aussi quand l’étreinte se desserra brusquement, me croyant enfin libéré, je me retournai sur le dos et ouvris grande la bouche. Mon adversaire en profita pour m’enfourner entre les dents l’embout du calumet et, au lieu d’une pleine bouffée d’air, j’inspirai un énorme volume de fumée opiacée.
    Sur-le-champ, je toussai à m’en déchirer la poitrine. Le cœur au bord des lèvres et les tripes en vadrouille, je régurgitai un filet de bile. Malgré cela, l’individu écrasa de plus belle mon maxillaire inférieur contre le bec en ivoire, me forçant à répéter les aspirations.
    Mon cerveau n’était plus assez oxygéné, il ne faudrait pas longtemps à la substance pour produire ses effets. Pourquoi le marin ne m’achevait-il pas tout de go ? Pourquoi s’échinait-il à vouloir me faire perdre d’abord le sens des réalités ?
    Son visage, hâlé et rustre, était à présent penché au-dessus du mien. Alors que j’avais réussi en gémissant à recracher une nouvelle fois l’embout, il fit en sorte que j’inhale encore pendant de longues secondes les vapeurs narcotiques du fourneau. Je distinguai ses mains, ses doigts surtout, courts et épais, marqués sur le côté des phalanges et tout autour des ongles de petites traces de couleurs.
    Mes yeux étaient comme ensorcelés par ces taches qui, tourbillonnant dans une sorte de brume de plus en plus compacte, grossissaient, grossissaient, et dont les nuances, toujours plus vives, se fondaient pour composer de nouveaux coloris, changeants et fantastiques. Des doigts, grossiers comme ceux de mon agresseur, mais d’autres aussi, longs, maigres et fuselés comme des pattes, armées de griffes acérées, dansaient au milieu des nuées chamarrées en me faisant des signes pour que je me lève et les accompagne. Il y en avait à présent des dizaines et des dizaines. Alors que je m’employais à répondre à leur invite, j’éprouvai la sensation étrange et exaltante d’une prodigieuse légèreté, comme si je me trouvais en état d’apesanteur. Baissant les yeux, je constatai avec ahurissement que j’étais en train de me détacher de mon corps. Mon esprit s’élevait, s’extrayant graduellement de mes muscles, de mes os qui, eux, demeuraient cloués au sol. Au bout d’un temps d’une durée indéfinissable, je planai entièrement à un ou deux pieds au-dessus de mon enveloppe. En tournant virtuellement mon regard vers le bas, je me voyais, je le voyais, cet organisme devenu le simulacre de moi-même, étendu sur la natte, la pipe en bambou abandonnée près de lui.
    Je ne m’étais jamais senti aussi bien de toute mon existence. Un sentiment de plénitude absolue m’habitait. Le plafond de la pièce avait disparu. À la place se découvrait une voûte immense, noire et sans limites. Un abîme insondable qui pourtant n’éveillait en moi aucune terreur. C’était l’envers de notre monde que j’apercevais de la sorte, et j’aspirais éperdument à y pénétrer. Toutes ces dernières semaines, toute mon existence qui sait ? je n’avais fait que me préparer à cela. L’occasion allait m’être offerte de passer de l’autre côté, là où Alice et mes proches m’attendaient. Mais pour cela il me fallait monter plus haut… et plus vite… Or, je ne bougeai que très lentement, pouce après pouce.
    Soudain, une lumière violente traversa mon corps immatériel. Une porte s’était ouverte à l’extrémité de la pièce. Un personnage vaporeux s’en détacha et avança au milieu de tous ces doigts qui s’agitaient de plus belle, au milieu de toutes ces taches de couleurs qui se multipliaient comme sur la palette d’un peintre – surtout du jaune cuivré, du rouge sang et du sinople.
    Dès qu’il entra, mon esprit cessa de prendre de la hauteur. Je voulus apostropher l’intrus pour

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