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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fabrice Bourland
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l’enjoindre de me laisser, lui défendre d’approcher davantage, mais il ne sortit de ma gorge qu’un long râle étouffé.
    Derrière celui qui venait de se manifester, une clameur assourdissante s’était mise à retentir.
    Il évita avec adresse une main extraordinairement grande, maculée de pourpre et de cobalt, qui avait manqué se refermer sur lui, et bientôt il fut près de mon corps inerte.
    L’homme portait un nœud papillon et des lunettes rondes en écaille, le crâne orné d’une ample chevelure d’argent. Son visage ne m’était pas inconnu. C’était le poète William Butler Yeats, ou du moins un individu qui lui ressemblait étonnamment. Il tenait un livre sous le bras, le brandit pour que je m’en empare – pour que cet autre moi-même allongé sur le sol s’en empare, pas mon esprit qui flottait sans plus pouvoir s’élever. La couverture en maroquin me semblait être celle du Frémissement du voile. Les lèvres de l’homme remuaient, mais aucun son ne parvenait jusqu’à moi. Pour tenter de saisir quelque chose, je rassemblai mes forces, tous mes sens étaient aux abois, et je finis par surprendre un extravagant verbiage où il était question d’évocation d’esprits et de tables tournantes.
    De ce moment, et malgré mon désir farouche de gagner le vide au-dessus de moi, je savais que je ne pourrais reprendre mon ascension.
    — Ho, ho ! Andy !
    Je reconnaissais cette voix. C’était celle de mon ami. C’était James qui parlait !
    Son timbre eut aussitôt sur mon esprit l’effet d’un puissant catalyseur. Mon esprit fut violemment attiré vers le bas, et je réintégrai ma prison de chair.
    Sans oser faire le moindre mouvement, je restai hébété.
    Mon camarade m’aida à m’adosser contre la muraille et, pour que je reprenne quelque couleur, me lança au visage le contenu d’un broc d’eau. Puis il se pencha pour faire les poches à un homme étendu sur la natte, près de moi.
    — Je ne peux décidément pas te laisser seul deux minutes, l’entendis-je prononcer. Dommage qu’il n’ait aucun papier sur lui, ça ne va pas nous aider à l’identifier.
    Récupérant avec peine l’usage de mes facultés mentales, je ne comprenais pas très bien de quoi il voulait parler.
    En baissant les yeux, j’aperçus le marin qui gisait sur le sol, la tête rejetée en arrière.
    — Il est inconscient ? demandai-je, un arrière-goût de fiel dans la bouche.
    — Mieux que ça, mon vieux. Son esprit a jeté l’ancre. Mais ne traînons pas ici ! C’est la panique en bas. Si j’ai bien compris ce que hurlait un type sur le trottoir, il y a un service d’ordre musclé qui fait des siennes dans le quartier. Il est vivement conseillé de mettre les voiles avant qu’ils ne se radinent.
    Autour de nous, quelques Asiates s’évertuaient à réveiller ceux des fumeurs dont l’esprit ne s’était pas encore aventuré trop loin, ou qui étaient suffisamment revenus à eux. Pour les autres, ils resteraient sur leur paillasse.
    James me souleva par les épaules pour m’aider à décamper. Ses habits étaient trempés et fleuraient l’algue et le limon. La grande salle s’était complètement vidée. Les cartes à jouer et les chopines avaient été abandonnées sur les tables, sans autre forme de procès.
    Après avoir traversé la cour et rejoint la boutique où le gros homme m’était apparu, mon compagnon ouvrit la porte donnant sur la ruelle. Le vent n’était toujours pas retombé.
    Plus loin résonnait l’écho d’une escouade s’approchant au pas de course. Nous eûmes juste le temps de fuir vers le côté opposé et de nous rencogner à l’angle d’un immeuble. Quelques instants plus tard, une douzaine d’individus, revêtus de blousons de cuir ou de pelisses sombres, s’engouffraient dans l’établissement. Sur la poitrine de l’un d’eux, je reconnus l’emblème, frappé d’un éclair, des Chemises noires de l’Union fasciste.
    1 - L’ancien Chinatown dont il est ici question a disparu dans les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Le nouveau, situé autour de Gerrard Street, dans le quartier de Soho, s’est développé dans les années 1950. (N.d.É.)

XII
    Une visite au London Hospital
    — « John Smith » ! Le gros Chinois a prononcé le nom de « John Smith » ! répétai-je en avalant une grande gorgée d’alcool, avachi sur le canapé.
    Une heure plus tôt, après qu’il m’eut aidé à rejoindre la Midget sur East

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