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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fabrice Bourland
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divan.
    Je cherchai d’abord dans le carnet les passages consacrés à William Butler Yeats et à la composition d’ Une vision . Par chance, les pages ne faisaient pas partie de celles que j’avais arrachées durant la nuit.
    En 1917, Yeats avait épousé la jeune Georgie Hyde-Lees, une amie de longue date, avec qui il aura par la suite deux enfants. À cette époque, il n’était plus affilié à quelqu’une des confréries se prétendant héritières de la fameuse société secrète – dans son autobiographie, le poète assurait avoir été initié en mai ou juin 1887 dans un atelier de Charlotte Street, mais j’avais trouvé ailleurs l’information selon laquelle, en réalité, il l’aurait été le 7 mars 1890. C’est quatre jours seulement après leur mariage que Yeats s’était aperçu du don de médiumnité de Georgie et de sa capacité à entrer en contact avec des esprits désincarnés par le biais de l’écriture automatique.
    Ensuite, je saisis l’ouvrage en question et le compulsai en tous sens. Je feuilletai les premières pages, parcourus des bribes au hasard et dans le désordre, lus des paragraphes entiers censés être rédigés sous la dictée de « l’écrivain inconnu », des morceaux au demeurant abscons et au style souvent ampoulé.
    J’éprouvais l’intuition que la résolution de cette enquête se trouvait à ma portée, que j’avais réuni sans le savoir la plupart des pièces nécessaires à la compréhension du mystère qui m’occupait. Il me fallait simplement ouvrir les yeux. Les yeux de l’esprit !
    Tout à coup, telle la foudre qui illumine un paysage lors d’une nuit d’orage, mon cerveau exténué fut déchiré par un trait de clairvoyance. Et si ce n’était pas sur les pages en elles-mêmes qu’il importait de se pencher, sur ce texte aux significations obscures ou hasardeuses, mais bien plutôt sur les conditions extraordinaires qui avaient entouré la rédaction de l’ouvrage ?
    « Médium » ! « Dictée » ! « Écrivain inconnu » !
    Est-ce que je ne me fourvoyais pas en donnant à mon hallucination plus de crédit qu’elle n’en méritait en réalité ?
    Après un long moment passé à interroger les vieux traités de philosophie naturelle, acquis au gré de mes pérégrinations, ou les écrits d’occultistes modernes parmi les plus dignes d’intérêt, je m’élançai hors du canapé, stupéfait de ce que je venais de mettre au jour.
    Il y avait plusieurs points qu’il me fallait d’abord vérifier.
    Les aiguilles de la pendule avaient beaucoup tourné sans que j’y prenne garde. James ronflait au fond de son lit, et je dus m’y reprendre à plusieurs fois pour le faire sortir du sommeil.
    — Hé ! Quelle mouche te pique ? Il est à peine sept heures.
    — Nous devons partir sans délai.
    — Mais où ça, jour de Dieu ?
    — Rendre visite à un malade au London Hospital.
    — Quoi ? Encore cette histoire de faux tableaux ? Je te rappelle qu’on a une autre affaire sur les bras, et d’une bien plus haute importance.
    — Allez ! Ne lézarde pas, il faut t’habiller !
    James finit par obtempérer, mais, pour afficher sa mauvaise humeur, et malgré le ciel qui menaçait, il conduisit tout le trajet à tombeau ouvert et la capote de la Midget rabattue. Le vent, qui avait fait relâche aux premières lueurs de l’aube, était en train de se remettre à souffler. Quand nous parvînmes devant la façade du vaste bâtiment sur Whitechapel Road, en ce mardi matin 11 mai, veille du couronnement, j’avais les bouts des oreilles engourdis par le froid.
    Nous nous présentâmes au bureau d’accueil de l’hôpital et émîmes le souhait de visiter un patient du nom d’Ambrose Merithorpe. Une femme robuste aux allures de gardienne de pénitencier nous expédia, après consultation de ses registres, en direction de l’aile est, dans le service du Pr Silas Marlwood.
    Suivant l’itinéraire fixé par la matrone, nous traversâmes l’immense corps de bâtiment et, bien que nous demandâmes à plusieurs reprises notre chemin, nous nous égarâmes dans les mêmes proportions.
    Au moment où nous commencions à désespérer, nous croisâmes une femme d’une quarantaine d’années, le grade d’infirmière-chef épinglé sur la blouse, à qui nous réitérâmes notre requête. Elle portait sur la tête le traditionnel calot blanc, sur des cheveux bruns relevés en double chignon, et affichait d’aimables yeux noisette.

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