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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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inquiété. »
    L’adolescent se lamentait toujours : « Oh Jim… Oh… Jim… »
    – « Tu sais » dit le soldat de grande taille, « j’étais là-bas », il fit un geste avec précaution. « Et, mon Dieu, quel cirque !… Et crénom j’ai été touché… J’ai été touché. Oui crénom j’ai été touché ». Il répétait la chose d’un air égaré, comme s’il ne comprenait pas comment cela ait pu arriver.
    L’adolescent l’entoura de ses bras anxieux pour lui venir en aide, mais le soldat de grande taille avançait d’un pas ferme comme si une force le poussait. Depuis que le jeune homme veillait sur son ami, les autres blessés ne manifestaient plus autant d’intérêt pour lui. À nouveau ils s’occupaient à traîner leur propre malheur vers l’arrière du front.
    Comme ils avançaient, soudain le soldat de grande taille parut submergé de terreur. Son visage tournait tout à fait à la cire grise. S’agrippant aux bras de l’adolescent il regarda tout autour de lui, comme s’il avait peur d’être entendu. Alors, il commença à parler dans un murmure tremblant :
    – « Je te dirais de quoi j’ai peur? Henri… Je te dirais de quoi j’ai peur… J’ai peur de tomber… et alors tu sais… leurs damnés chariots d’artillerie… ils aimeraient me passer dessus. C’est ce qui me fait peur… »
    L’adolescent se mit à crier, hystérique :
    – « Je prendrais soin de toi Jim ! Je prendrais soin de toi ! Je jure par Dieu que je le ferais ! »
    – « Sûr… que tu le feras, Henri ? » supplia le grand soldat.
    – « Oui… oui… je te dis… Je prendrais soin de toi, Jim ! » protesta l’adolescent. Il ne put s’exprimer clairement à cause de sa gorge nouée.
    Mais le soldat de grande taille continuait à supplier à voix basse. Maintenant il se penchait comme un enfant au bras de son ami. Dans sa terreur ses yeux roulaient avec frénésie.
    – « J’ai toujours été un bon ami à toi, n’est-ce pas Henri ? J’ai toujours été un brave type, n’est-ce pas ? On n’insistait pas trop avec moi pour que je rende service, non ? On n’avait qu’à me demander pour que je me mette aussitôt en route ; je l’ai fait pour toi, n’est-ce pas, Henri ? »
    Il fit une pause, attendant anxieusement la réponse de son ami.
    L’adolescent avait atteint un tel degré d’angoisse que ces soupirs l’écorchaient. Il s’efforça d’exprimer sa loyauté, mais il ne pu que faire des gestes fantasques.
    Pourtant, le soldat de grande taille parut soudainement oublier toutes ses peurs. Il reprenait sa forme spectrale, raide et triste. Il continua d’avancer comme une statue de pierre. L’adolescent voulait que son ami s’appuyât sur lui, mais l’autre secouait toujours la tête et protestait de façon étrange :
    – « Non… non… non… laisse-moi… laisse-moi. »
    À nouveau son regard se fixait sur l’inconnu. Il avançait avec une intention mystérieuse, écartant toute offre d’aide de la part de l’adolescent : « Non… non… laisse-moi… laisse-moi… »
    L’adolescent n’avait qu’à suivre.
    À présent ce dernier entendait une voix qui lui parlait à l’épaule. Se retournant il vit que c’était le soldat en haillon :
    – « Tu ferais mieux de le pousser hors du chemin, compagnon. Il y a une batterie qui arrive à un train d’enfer, et elle va le renverser. Il tiendra pas cinq minutes de toutes façons… tu peux le voir. Tu ferais mieux de l’écarter hors du chemin. D’où diable tire-t-il ses forces. »
    – « Dieu seul le sait ! » s’écria l’adolescent en secouant les mains avec détresse. Il courut devant et s’agrippa au bras du soldat de grande taille.
    – « Jim ! Jim ! » supplia-t-il d’un ton plaintif, « viens avec moi. »
    Le soldat de grande taille tenta faiblement de se libérer : « Hein ? » dit-il d’un air absent. Un moment il fixa l’adolescent du regard. Il dit enfin, comme s’il comprenait vaguement : « Oh ! Dans les champs ? Oh »
    Il piqua à travers champ en aveugle.
    L’adolescent se retourna pour voir les cavaliers qui fouettaient, et la batterie de canons qui rebondissait avec violence. L’homme aux haillons jeta un cri aigu qui le fit se détourner en sursaut :
    – « Mon Dieu ! il est en train de courir ! »
    Tournant vivement la tête, l’adolescent vit son ami qui courait en vacillant, comme sur le point de tomber, vers un

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