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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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courage, estima-t-il, seraient obligés de déserter les couleurs en fuyant comme des poules. On le prendrait pour l’un d’entre eux. Ils seraient des frères attristés par un commun malheur, et lui pourrait aisément admettre n’avoir pas fui plus vite ni plus loin qu’eux. Et si lui-même pouvait croire en la perfection de ses vertus, il pensait qu’il n’aurait pas de problème à convaincre les autres.
    Il se dit en manière d’excuse pour cet espoir, qu’auparavant l’armée avait rencontré de grandes défaites, – et en quelques mois leur avait fait verser le sang et poussé à abandonner les croyances admises sur la guerre –, réémergeant à nouveau aussi brave et fraîche qu’au premier jour, rejetant dans l’oubli le souvenir du désastre, et réapparaissant avec la valeur et l’assurance des légions non conquises. La voix aigre des gens restés chez eux sifflera tristement pendant un temps, mais les généraux sont souvent contraints à écouter ces complaintes. Lui, bien sûr, n’aurait aucune mauvaise conscience à proposer un général en sacrifice, sans qu’il puisse dire lequel ; aussi ne pouvait-il ressentir de la pitié pour lui. Le peuple était loin et il ne concevait pas que l’opinion publique pût être juste à si longue distance. Il était tout à fait probable qu’on fasse du mal à un homme par erreur ; et qui, après être sorti de son étonnement dépensera peut-être le reste de sa vie à écrire des répliques aux chansons faites à propos de son échec hypothétique. Ce serait très malheureux, sans doute, mais un général dans ce cas était sans importance pour l’adolescent.
    Une défaite justifierait son comportement. Il pensa que cela prouverait, d’une certaine manière, qu’il avait fuit dès le début à cause de son pouvoir supérieur de perception. Quelques qui prédit sérieusement une inondation devrait être le premier à grimper sur un arbre. Ce qui prouverait vraiment qu’il est un prophète.
    Une justification morale était considérée par l’adolescent comme une chose très importante. Sans ce baume, il ne pouvait, pensa-t-il, porter durant toute sa vie l’insigne douloureux de son déshonneur. Avec un cœur qui lui assurait constamment qu’il était méprisable, il ne pouvait vivre sans qu’à travers ses actes, cela soit évident pour tous les hommes.
    Si l’armée avançait victorieuse, il était perdu ; si le fracas de la bataille indiquait que les drapeaux de son armée pointaient vers l’avant, il n’était plus qu’un misérable condamné. Il serait contraint de s’enfermer à jamais dans la solitude, et le pied indifférent des hommes piétinerait ses chances d’avoir une vie accomplie.
    Comme ces pensées traversaient rapidement son esprit, il s’en détourna et essaya de les écarter. Il se dénonçait comme traître, et se disait être le plus indicible égoïste au monde. Sa conscience lui donnait l’image de soldats mettant leurs corps par défi devant la lance des démons hurlants des batailles ; et en voyant leurs cadavres saigner dans ce champ de bataille imaginaire, il se dit être leur meurtrier.
    À nouveau il eût préféré mourir, au point d’envier un cadavre. En pensant aux tués, il nourrit un grand mépris pour quelques-uns d’entre eux, comme s’ils étaient coupables de leur mort. Ils pouvaient avoir été tués par le plus chanceux des hasards, se dit-il, avant qu’ils n’eussent eu l’opportunité de fuir, ou avant qu’ils ne fussent réellement testés. Pourtant, ils recevront le traditionnel laurier. Il cria amèrement que leurs couronnes étaient volées, et leurs robes de glorieuse mémoire imméritées. Néanmoins, il se dit encore que c’était une grande pitié qu’il ne fût pas comme eux.
    Une défaite de l’armée lui aurait donné les moyens d’éviter les conséquences de sa fuite. Néanmoins, il considérait à présent qu’il était inutile de penser à une telle possibilité. On lui avait appris que le succès pour cette formidable machine des bleus était certain, qu’elle réaliserait des victoires comme un appareil produirait des boutons. À présent il se débarrassait de toutes ces spéculations, et se tournait vers le credo du bon soldat.
    En se convainquant de l’impossibilité pour l’armée de subir une défaite, il se fit une belle histoire avec quoi il pût revenir au régiment et détourner les traits de la dérision qui ne manqueraient pas. Mais il

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