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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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fait pour te retrouver par là ? Ton régiment est loin d’ici n’est-ce pas ? Hé bien je crois qu’on peut le retrouver. Tu sais il y a eut un garçon qui a été tué dans ma compagnie aujourd’hui, et cela m’a fait penser à ce monde et tout. Jack était un bon gars. Par le diable, ça te frappe comme la foudre de voir le vieux Jack juste abattu comme ça. Nous étions là à attendre les ordres bien peinards, quoiqu’il y avait des hommes qui couraient dans tous les sens tout autour de nous ; et pendant que nous étions à attendre ainsi, arriva un type grand et gros. Il commença par tapoter le coude de Jack en disant : « Hé dis-moi, par où qu’c’est le chemin de la rivière ? » Et Jack ne faisait aucune attention à lui, et le type qui continuait à tapoter sur son coude, en répétant : « Hé dis-moi, par où qu’c’est le chemin de la rivière ? » Jack, tout le temps regardait droit devant lui essayant de guetter l’arrivée des sudistes à travers le bois ; et un bon moment il n’a fait nulle attention à ce type, mais il se tourna finalement et dit : « Oh va au diable et trouve-le toi-même ce chemin vers la rivière ! » Et juste alors, une balle lui éclata violemment le côté de la tête. Il était sergent. Ce furent là ses derniers mots. Tonnerre ! J’espère qu’on va sûrement retrouver nos régiments cette nuit. Ça va être une longue chasse. Mais je crois qu’on peut le faire. »
    Durant la quête qui suivit, l’homme à la voix enjouée parut au jeune soldat en possession d’une baguette magique. Il marchait dans le labyrinthe de l’épaisse forêt avec un étrange bonheur. Lors des rencontres avec les gardes et les patrouilles il fit montre d’une finesse de détective, doublée d’une audace de gamin des rues. Ce qui paraissait un obstacle devenait une aide. Alors que son compagnon usait de tous les moyens pour les sortir de leur triste situation, l’adolescent, le menton sur la poitrine, se tenait raide comme une planche.
    La forêt ressemblait à une vaste ruche où les hommes bourdonnaient en des cercles frénétiques ; mais son enthousiaste compagnon le conduisît sans erreur, jusqu’à ce qu’enfin il se mit à glousser de satisfaction et de joie : « Ah ! c’est là que vous êtes ! tu vois ce feu ? » L’adolescent acquiesça d’un signe de tête stupide.
    – « Hé bien, c’est là qu’est ton régiment. Et maintenant adieu mon vieux, et bonne chance ! »
    Durant un instant une main chaleureuse et forte serra les doigts alanguis de l’adolescent, et alors il entendit un sifflement enthousiaste et brave tandis que l’homme s’éloignait à grands pas. Alors que cet homme qui fût si amical pour lui sortait de sa vie, l’adolescent se rendit soudain compte qu’il n’avait pas une seule fois vu son visage.

CHAPITRE TREIZIÈME
     
    L’adolescent se mit à avancer lentement vers le feu que lui avait indiqué l’ami qui s’en allait. Comme il vacillait, il repensa à la bienvenue que lui réserverait ses camarades. Il était convaincu que bientôt son cœur épuisé ressentirait les traits acérés du ridicule. Il n’avait pas la force d’inventer un mensonge pour se protéger, il serait une cible facile.
    Il eut l’idée de se cacher dans les ténèbres de la forêt, mais la douleur et l’épuisement l’en dissuadèrent. Ses douleurs aiguës l’obligeaient à chercher un endroit où il puisse manger et se reposer, à n’importe quel prix.
    En avançant vers le feu il vacilla au risque de tomber. Il pouvait voir des silhouettes d’hommes jeter des ombres noires contre la lueur rouge du feu ; et comme il s’approchait il se rendait peu à peu compte que le sol était parsemé d’hommes endormis.
    Subitement il se trouva face à une noire et monstrueuse silhouette. Des éclairs jaillirent du canon d’un fusil : « Halte ! Halte ! » Un moment il perdit la tête, mais à présent il lui semblait reconnaître cette voix nerveuse. Comme il titubait debout, face au canon du fusil, il lâcha : « Hé bien, salut Wilson, toi… toi ici ? » Le canon fût prudemment abaissé et le soldat à la voix forte s’avança lentement. Il scruta le visage de l’adolescent : « C’est toi Henri ? »
    – « Oui c’est… c’est moi. »
    – « Hé bien, hé bien mon vieux » dit l’autre, « par le diable, je suis heureux de te voir ! Je t’ai cru mort. Sûrement mort. » L’émotion lui

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