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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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canons éveillés et mis en colère par les obus qui arrivaient sur eux en vrombissant, entrèrent soudain dans une hideuse altercation avec un autre groupe de canons. Le rugissement de la bataille atteignait au roulement de tonnerre continu, unique, incessant.
    Dans le régiment les hommes exprimaient par leurs attitudes, une façon d’hésiter particulière. Ils étaient fatigués, exténués, ayant dormi peu et peiné longuement. Ils roulèrent des yeux vers la bataille qui avançait comme s’ils s’attendaient à en subir le choc. Quelques-uns reculèrent et flanchèrent. Ils restaient figés sur place.

CHAPITRE DIX-SEPTIÈME
     
    L’avance de l’ennemi paraissait à l’adolescent comme une impitoyable chasse. Il commença à fulminer de rage et d’exaspération. Il tapait du pied au sol, et grimaçait de haine vers la fumée tourbillonnante qui approchait comme un déferlement de spectres. Il y avait quelque chose d’affolant dans cette apparente résolution de l’ennemi à ne lui laisser aucun repos, aucun moment pour s’asseoir et penser. Hier il s’était battu et très vite s’était enfui. Il y eut pas mal d’aventures. Mais aujourd’hui il sentait qu’il avait gagné le droit à un repos durant lequel il pourrait réfléchir à loisir. Il aurait pu prendre plaisir à décrire pour des auditeurs non initiés, les différentes scènes dont il fût le témoin ou discuter habilement sur le déroulement des batailles avec d’autres hommes qui ont fait leurs preuves. Il faudrait qu’il ait le temps de récupérer physiquement, c’était important aussi. Il avait le corps douloureux et engourdi par tout ce qui lui était arrivé. Il avait eu toute sa part de peines, et il souhaitait se reposer.
    Mais les autres hommes ne paraissaient jamais connaître la fatigue, ils se battaient avec leur rapidité coutumière. Il eut une haine sauvage contre l’implacable ennemi. Hier quand il s’était imaginé que tout l’univers était contre lui, il l’avait haï avec tous ses dieux ; aujourd’hui c’était l’armée ennemie qu’il haïssait en grand. Il n’allait pas se laisser tordre le cou comme un chat poursuivi par des gamins, se dit-il. Il n’était pas bien de pousser les hommes à leurs dernières extrémités, à ces moments-là ils peuvent mordre et griffer.
    Il se pencha sur son ami et lui parla à l’oreille, faisant un geste menaçant vers les bois : « S’ils continuent à nous faire la chasse, par Dieu, ils n’ont qu’à faire bien attention. On peut pas tout supporter. »
    L’ami tourna la tête et fit une calme réponse : « S’ils continuent à nous faire la chasse, ils nous jetteront tous dans la rivière. »
    L’adolescent lâcha un cri sauvage en entendant cette réponse. Il se mit à plat ventre derrière un petit arbre, les yeux allumés par la haine, et les dents serrées en une furieuse grimace. Le grossier pansement était encore sur sa tête, et au sommet, au niveau de la blessure, il y avait une tache de sang coagulée. Ses cheveux étaient extraordinairement emmêlés, et quelques mèches égarées, mouvantes, pendaient par-dessus le bandage sur le front. La veste de sa tenue, ainsi que sa chemise, étaient ouvertes au col et exposaient son jeune cou bronzé. On pouvait voir la pomme d’Adam qui remontait en déglutitions spasmodiques.
    Ses doigts s’agrippaient nerveusement autour de son fusil. Il souhaita qu’il fût un engin ayant le pouvoir d’anéantir. Il sentait que le reproche et la dérision qui pesaient sur eux, venaient de la sincère conviction que ses compagnons et lui étaient débiles et chétifs. De savoir son incapacité à rendre l’affront, à se venger, faisait grandir sa rage comme un spectre sombre, qui prenait impétueusement possession de lui, le faisant rêver d’abominables cruautés. Ses tourmenteurs étaient des mouches qui buvaient son sang avec insolence, et il pensa qu’il aurait donné sa vie pour le plaisir de les voir en de pitoyables difficultés.
    Les vents de la bataille tournoyaient autour du régiment, jusqu’à ce qu’un fusil, puis d’autres, enflamment le front. Un moment après le régiment rugissait sa brutale et valeureuse réplique. Un écran de fumée dense s’installa doucement, qui fut taillé en pièce par les flammèches des fusils, longues comme des épées.
    Pour l’adolescent, les combattants ressemblaient à des bêtes jetées dans un puits sombre pour une lutte à mort. Il avait

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