Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
sombres qui serpentaient à travers champs, et dans un espace dégagé il y avait une rangée de canons qui lâchaient un nuage de fumée grise, illuminé de grands éclats de flamme orange. Par delà un feuillage, ils pouvaient distinguer le toit d’une maison. Une fenêtre, éclairée d’une profonde teinte rouge sang, brillait nettement à travers les feuilles. Du bâtiment la fumée, comme une haute tour penchée, s’élevait très haut vers le ciel.
En cherchant du regard leurs propres troupes, ils virent des masses confuses qui se mettaient en ordre. Les aciers bien polis faisaient des points brillants sous le soleil. Au loin vers l’arrière on apercevait une route qui tournait vers une hauteur. Elle était encombrée par l’infanterie battant en retraite. Depuis la forêt dense s’élevaient la fumée et la fureur de la bataille. L’air était constamment chargé d’une rumeur assourdissante.
Près de l’endroit où ils se tenaient, les obus passaient en vrombissant et hurlant. Des balles perdues sifflaient dans l’air et se plantaient dans les troncs d’arbres. Des blessés et des hommes égarés glissaient furtivement à travers bois.
Regardant en bas vers une aile de la forêt, l’adolescent et son compagnon virent un général irrité, suivit de ses aides, qui chevaucha presque sur le corps d’un blessé avançant à quatre pattes. Le général tira fortement les rennes de son coursier qui écumait la gueule ouverte, et en cavalier habile évita l’homme. Ce dernier toujours à quatre pattes s’était mis à avancer dans une hâte fébrile et pénible. De toute évidence, ses forces l’abandonnèrent quand il atteignit un endroit abrité. Un de ses bras faiblit soudain, et il tomba en roulant sur le dos. Il resta allongé en respirant doucement.
Un moment plus tard, la petite et bruyante cavalcade s’arrêtait juste devant les deux soldats. Un autre officier chevauchant avec l’habileté et l’insouciance d’un cow-boy vint s’arrêter face au général. Les deux soldats d’infanterie allaient manifestement partir, mais désirant entendre la conversation ils s’attardèrent tout près. Peut-être, pensèrent-ils, que quelque chose d’important et de secret allait se dire.
Le général, que les garçons connaissaient comme étant le commandant de leur division, regarda l’autre officier et parla froidement, comme s’il critiquait sa tenue : « L’ennemi se reforme là-bas, pour une autre charge », dit-il. « Elle sera dirigée contre Whiterside, et je crains qu’ils n’enfoncent par là, à moins que l’on se démène comme des diables pour les arrêter. »
L’autre jura contre son cheval rétif, et s’éclaircit la gorge. Il fit un geste vers son képi : « Ça nous coûtera diablement cher à vouloir les arrêter » dit-il brièvement.
– « C’est ce que je crois » remarqua le général. Alors, il commença à parler rapidement et à voix basse. Il illustrait fréquemment son propos en pointant du doigt. Les deux hommes d’infanterie ne purent rien entendre jusqu’à ce qu’il demande finalement : « Quelles troupes pouvez-vous tenir en réserve ? »
L’officier qui montait en cow-boy réfléchit un instant : « Hé bien » dit-il. « Il me faudra donner l’ordre à la 12e de renforcer la 76e, et je n’ai pas vraiment de quoi. Mais il y a la 304è. Ils se sont battus comme un tas de muletiers. Je peux les tenir en réserve, c’est mieux que rien. »
L’adolescent et son ami échangèrent des regards étonnés.
Le général dit d’un ton coupant : « Tenez-les prêts alors. Je vais voir d’ici comment vont évoluer les choses, et je vous enverrais des ordres pour les mettre en action. Ça va arriver dans cinq minutes. »
Comme l’autre officier saluait et tournait son cheval pour partir, le général l’appela et lui dit d’une voix grave : « Je ne crois pas que beaucoup de vos muletiers s’en retourneront. »
L’autre cria quelque chose pour toute réponse. Il souriait.
Avec la peur au ventre, l’adolescent et son compagnon revinrent à leur ligne. Ces évènements avaient occupé un temps incroyablement court, durant lequel pourtant l’adolescent se sentit vieilli. Il voyait différemment les choses. Et le plus surprenant était d’apprendre qu’on est sans importance. L’officier avait parlé du régiment comme s’il se référait à un balayeur. Quelque partie du bois avait besoin d’être nettoyée
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