Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
peut-être, et il désignait négligemment un balayeur pour ça, dans un ton complètement indifférent à son destin. C’est la guerre sans doute, mais cela paraissait étrange.
Comme les deux garçons approchaient de la ligne, le lieutenant les aperçut et se mit en colère : « Fleming… Wilson… combien de temps il vous faut pour trouver de l’eau, n’importe… où étiez-vous passés ? »
Mais il cessa son discours quand il vit leurs regards, chargés de nouvelles importantes.
– « On va attaquer… on va attaquer ! » cria l’ami, se hâtant de lâcher les nouvelles.
– « Attaquer ? » dit le lieutenant. « Attaquer ? Bien, par Dieu ! Maintenant c’est la vraie bataille. » Un fier sourire traversa son visage barbouillé. « Attaquer ? Bien, par Dieu ! »
Un petit groupe de soldats entoura les deux amis.
– « On y va, tu es bien sûr ? Hé bien que je sois pendu ! Attaquer ? Pourquoi ? Qui ?
Wilson tu mens ! »
– « Que j’aille en enfer ! » dit l’adolescent, haussant la voix jusqu’au furieux reproche, « aussi sûr qu’un fusil tire, je vous dis. »
Et son ami ajouta pour confirmer : « Il ne parle pas à tort, il ne ment pas. On les a entendu parler. »
Ils aperçurent deux silhouettes montées, à courte distance. L’une était celle du colonel du régiment, l’autre celle de l’officier qui reçut les ordres du chef de division. Ils gesticulaient l’un vers l’autre. Les pointant du doigt, le soldat interpréta la scène.
Un homme objecta finalement : « Comment est-ce que tu peux les entendre ? » Mais les hommes, pour la plupart d’entre eux, faisaient des signes de tête affirmatifs admettant que les deux amis avaient dit la vérité.
Ils se remirent en position avec l’air d’avoir accepté la chose, la considérant sous toutes les façons possibles. Elle absorbait toutes leurs pensées. Beaucoup serraient la ceinture et arrangeaient leur pantalon.
Un moment après, les officiers commencèrent à se démener parmi les hommes, les poussant dans des masses plus compactes, et un meilleur alignement. Ils poursuivaient ceux qui n’étaient pas dans les rangs, et fulminaient contre ceux qui montraient par leurs attitudes qu’ils avaient décidé de rester là où ils étaient. Ils avaient l’air de bergers pointilleux, ayant maille à partir avec leurs troupeaux.
À présent le régiment paraissait se remettre sur pied, et prendre une longue respiration. Aucun visage ne reflétait de grandes pensées. Les soldats étaient penchés comme des coureurs attendant le signal. Sur ces faces lugubres, d’innombrables yeux étincelaient, épiant le rideau d’arbre, tout au fond du bois. Ils paraissaient profondément engagés dans des calculs de temps et de distance.
Ils étaient entourés par les bruits de la monstrueuse altercation entre les deux armées. Apparemment le reste était trop occupé ailleurs, et le régiment devait régler sa petite affaire tout seul.
L’adolescent, se détournant, jeta un bref et rapide regard interrogateur sur son ami. Ce dernier lui donna la réplique avec la même curiosité dans les yeux. Ils partageaient un intime secret : « Des muletiers… ça va nous coûter cher… ne croyez pas que beaucoup s’en retourneront… »Un secret amer. Pourtant, ils ne virent nulle hésitation sur leurs visages respectifs, et ils donnèrent leur assentiment muet quand un homme hirsute à côté d’eux dit d’une voix faible : « Nous allons être submergés. »
CHAPITRE DIX-NEUVIÈME
L’adolescent considéra l’étendue qui lui faisait face. Ces frondaisons paraissaient maintenant cacher la puissance et l’horreur. Il était conscient des préparatifs de l’attaque, pourtant il vit du coin des yeux un officier qui arrivait au galop en agitant son képi, comme un gamin à cheval. Soudain il sentit une tension et une palpitation courir parmi les hommes. La ligne se jeta en avant avec lenteur, comme un mur qui tombe, lâchant une respiration convulsive qui se voulait un cri de guerre ; et le régiment entama son parcours. L’adolescent fût poussé et secoué un moment avant qu’il ne comprenne tout le mouvement, mais aussitôt après il plongea vers l’avant et se mit à courir.
Il fixa du regard un bouquet d’arbres distant et élevé, où il estima que l’ennemi pouvait se rencontrer, et il y courut comme vers une cible. Il crut vraiment que la question était de se débarrasser
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