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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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mâchoires
se crispèrent. Ses yeux si tendres se firent meurtriers. Elle songea l’espace d’un
instant qu’il l’aurait frappée s’ils avaient été sans témoins.
    Le frère dominicain qui l’avait interrogée toussota de gêne.
Elle avait marqué un point, et Florin ne lui pardonnerait pas. Cependant, elle
venait également de gagner un peu de temps et, sans qu’elle sût pourquoi, l’idée
de durer le plus possible lui semblait essentielle.
    Florin, luttant pour se recomposer, donna ordre qu’elle soit
reconduite dans son cachot. Tout le temps qu’elle descendit vers son enfer
quotidien, elle se répéta :
    « La connaissance est le pouvoir. Il n’existe pas d’arme
plus imparable, mon doux Clément. »
    Lorsqu’un garde la poussa, lorsque la lourde porte de la
geôle claqua derrière elle, elle tomba à genoux, et joignit les mains,
cherchant d’où lui était venue la force de se tenir si droite et de relever la
tête.
    — Clémence... Mon doux ange, merci.
    Dans la salle de procédure, Florin fulminait. Il ne
parvenait pas à comprendre comment la semaine de privations et de secret qu’il
avait infligée à sa proie n’avait pas laminé ses dernières forces. Cette
femelle avait failli semer le doute et le ridiculiser devant deux de ses
frères. Il la détestait et, autant l’admettre, il commençait à la craindre.
    Il tenta de rétablir sa position de force sitôt après son
départ, en lançant d’une voix passionnée et lourde de chagrin :
    — Langue si agile est l’indiscutable marque d’un esprit
retors et malhonnête et signe, mieux qu’une dénonciation, l’hérésie de l’accusée.
On sait comme ces âmes perdues apprennent à se défendre et à saouler de
faux-semblants grâce à l’enseignement déviant qu’elles reçoivent. Les femmes,
de par leur nature pernicieuse et bonimenteuse, y excellent encore plus.
    Maître Gauthier Richer, le notaire, acquiesça d’un petit
mouvement de tête. Selon lui, la nature mensongère et calculatrice des femmes
en faisait des recrues de choix pour le diable. Pourtant, Nicolas Florin eut le
sentiment que son envolée ne convainquait qu’à moitié les deux dominicains
cités en témoins. Surtout ce frère Jean qui n’avait pas ouvert la bouche et
dont le regard s’évada, refusant celui de l’inquisiteur.
    Frère Anselme reprit d’une voix douce :
    — Revoyons donc, messire inquisiteur, mon frère, le
témoignage accablant de la jeune Mathilde de Souarcy.
    — Accablant, en vérité, opina Florin satisfait de cet
adjectif. La damoiselle Mathilde y fait part de...
    — Mon frère, une lecture nous éclairerait davantage, l’interrompit
Jean de Rioux, intervenant pour la première fois.
    Florin chercha une trace de méfiance, de perplexité ou, au
contraire, de connivence dans sa voix, sans rien découvrir qui lui permît de
juger de l’état d’esprit dans lequel se trouvait son témoin. Un nouveau tracas
s’ajouta à la fureur qui avait secoué l’inquisiteur durant la déposition d’Agnès.
La présence de témoins religieux appartenant au même ordre n’était qu’une
parodie de justice. Florin ne se souvenait pas d’un seul procès durant lequel
ceux-ci eussent été en désaccord avec l’inquisiteur. C’était, au demeurant, la
véritable raison pour laquelle il avait écarté la présence de laïcs. Pourtant,
tout de ce frère Jean de Rioux l’inquiétait. Son silence attentif, son calme,
son regard qui se refusait et même ses mains étonnamment fortes pour un lettré
et un homme qui avait passé la quarantaine. D’autant que l’autre, cet Anselme
de Hurepal, semblait quêter son approbation à chacune de ses interventions. Il
s’admonesta : ne voilà-t-il pas que ses effrois de fillette le reprenaient ?
Allons, ces deux imbéciles prenaient leur rôle à cœur, mais il n’en ferait qu’une
bouchée, à l’instar des autres.
    Il s’approcha de la table et tira de sous une mince pile le
témoignage de Mathilde de Souarcy. Il commença de lire :
    — Moi, Mathilde, Clémence, Marie de Souarcy, unique
enfante de madame Agnès de Souarcy...
    Il n’intercepta pas le léger mouvement de paupières que
destinait Jean à Anselme. Ce dernier lança :
    — De grâce, cher frère inquisiteur... Nous savons lire.
Il nous serait précieux de prendre connaissance, en réflexion silencieuse, des
lignes de la damoiselle de Souarcy afin d’en bien peser la signification.
    Florin faillit se laisser aller

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