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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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solitude, lui avait donc
porté ce breuvage fatal. Se mêlait à ces questions une sorte d’angoisse qui
rongeait Annelette : et si l’enherbeuse avait trouvé la drogue dans l’armoire
de pharmacie de l’herbarium ? La sœur apothicaire se servait de dilutions
d’aconit pour calmer les douleurs, les névralgies de la face et faire baisser
la fièvre [36] .
    — Mes filles... Sœur Adélaïde a rejoint le berceau de
Notre Seigneur. Son âme repose en très grande paix, je le sais. En revanche...
(Éleusie de Beaufort prit une profonde inspiration avant de déclarer d’une voix
tranchante :) le calvaire de celle qui a usurpé la volonté de Dieu sera
sans fin. Sa punition en ce monde sera terrible et celle que lui infligera
ensuite le Tout-Puissant dépasse nos pires imaginations.
    Quelques sœurs se consultèrent du regard, se demandant ce
que signifiait cette condamnation. D’autres fixèrent leur mère avec un mélange
de stupéfaction et d’alarme. Un remous de murmures, de pieds raclant le sol, d’exclamations
étouffées succéda au silence malsain qui s’était imposé.
    — De grâce ! tonna Éleusie. De grâce, je n’en ai
pas terminé.
    Les chuchotements étonnés et inquiets moururent aussitôt.
    — Notre douce sœur Adélaïde a été enherbée avec une
tisane au miel et à la lavande additionnée d’aconit.
    Une exclamation proférée par cinquante gorges à la fois
monta vers le plafond de la vaste salle de copie. Éleusie profita de l’agitation
et du brouhaha qui s’ensuivit pour scruter les visages, cherchant celui sur
lequel s’inscrirait un signe qui lui indique la coupable. En vain.
    — Silence ! cria Éleusie. Faites silence à l’instant !
Certes, je ne vous demanderai pas laquelle prépara cette tisane, je me doute
que je n’obtiendrai nulle réponse. (Elle marqua une pause, passant en revue les
cinquante regards fixés sur elle, s’attardant sur ceux de Berthe de
Marchiennes, de Yolande de Fleury, d’Hedwige du Thilay et surtout sur celui de
Thibaude de Gartempe). Cela étant, vous, celle qui a
perpétré cet impardonnable crime veux-je dire, vous avez commis une erreur. Si
j’ignore encore votre nom, je le découvrirai sous peu.
    Dans le silence compact qui accueillit cette promesse, une
voix chevrotante résonna :
    — Je n’y comprends rien. Quelqu’un veut-il m’expliquer
ce que dit notre mère ?
    Blanche de Blinot s’agitait sur son banc, se tournant vers l’une
puis vers l’autre. Une novice se pencha à son oreille pour murmurer une
explication.
    — Mais... c’est moi qui lui ai porté cette tisane !
(Soudain affolée, la vieille femme geignit :) Elle serait morte d’une
tisane de miel et de lavande ? Comment se peut-il ?
    Éleusie la regarda comme si un gouffre s’ouvrait à ses
pieds.
    — Que dites-vous, ma chère Blanche ? Vous auriez
porté cette tisane à Adélaïde ?
    — Certes. Enfin... Les choses ne se sont pas passées
véritablement de la sorte. J’ai trouvé ce gobelet sur mon bureau comme je m’apprêtais
à rejoindre vêpres. Je l’ai humé et... je vous avouerais que je n’ai jamais eu
une passion pour les tisanes de lavande, que je trouve fort odorantes,
concéda-t-elle en baissant la voix comme s’il s’agissait d’un grave manquement.
En revanche, j’aime beaucoup la verveine, surtout additionnée de menthe, et...
    — Blanche... Au fait, je vous prie, l’interrompit
Éleusie.
    — Pardon, ma mère... je m’égare... C’est le grand
âge... J’ai donc rapporté le gobelet en cuisine, pensant qu’Adélaïde me l’avait
préparé. Elle est... était si attentionnée. Elle a trouvé dommage de le jeter
et m’a dit qu’elle s’en délecterait.
    Éleusie intercepta le regard ébahi de la sœur apothicaire.
Qui, hormis elles deux, avait compris ce que signifiait cet échange ? Sans
doute pas Blanche, la victime désignée, tout à son désespoir d’avoir tendu la
tisane empoisonnée à une sœur qu’elle appréciait tant. On avait voulu tuer
Blanche. Mais pour quelle raison ? Pourquoi se débarrasser d’une vieille
femme à moitié sourde que les rêves éveillés ne quittaient plus guère ?
Éleusie sentit, sans parvenir à l’identifier, un regard haineux peser sur elle.
Au prix d’un gigantesque effort, elle se reprit :
    — Voici donc l’élément qui me manquait pour avancer
dans mes soupçons. Car, de fait, l’hypothèse que j’ai construite pour élucider
l’identité de

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