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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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à un écart de langage. Quoi,
ces deux abrutis mettaient-ils sa parole en doute ? Frère Anselme insista :
    — Cette jeune fille n’est pas encore majeure, n’est-il
pas exact ?
    — Elle le sera sous peu, dans un an. De toute façon,
les témoignages d’enfants contre parents sont admis et vivement encouragés,
ceci quel que soit leur âge. En effet, qui peut mieux apprécier les perversions
que ceux qui les côtoient, et en pâtissent, chaque jour ?
    — Si fait, admit le dominicain en tendant la main.
    Florin s’exécuta de mauvaise grâce et lui remit la
dénonciation.
    Frère Anselme en prit connaissance puis la passa à frère
Jean. L’impassibilité du dominicain, sa lenteur à en finir portait sur les
nerfs de Florin. Enfin, le dominicain leva le visage et déclara d’un ton plat :
    — Il y a dans ces mots de quoi condamner sans plus
entendre.
    Un soulagement envahit l’inquisiteur, qui sourit :
    — Ne vous l’avais-je pas affirmé ? Elle est
coupable et, mon cœur saigne à vous le dire, je doute que le salut lui soit
accordé.
    Le soulagement fut de courte durée.
    — Toutefois... N’est-il pas étonnant que cette jeune
personne qui manie fort mal la plume et sème avec peine de vilaines lettres
maladroites soit si experte à tourner ses phrases ? Voyons... « Mon
âme souffre à la pensée des abominations commises de façon répétée par madame
de Souarcy ma mère, et son entêtement dans le péché et l’erreur me font
craindre pour la sienne », ou « Ce chapelain encore jeune qui nous
est arrivé si pieux sans se méfier de cette ombre maléfique... » ou « Dieu
a pourvu mon cœur d’une force suffisante pour résister à la mitoyenneté du mal
dont ma mère me donnait l’exemple constant... ». Fichtre ! Quelles
convaincantes envolées.
    Frère Jean releva la tête, et Nicolas croisa pour la première
fois son regard. Il eut la vertigineuse impression d’avancer sous d’interminables
voûtes. Ce regard n’avait pas de fin. Il cligna involontairement des yeux. Jean
déclara d’une voix posée :
    — Frère inquisiteur, vous dirais-je notre souci ?
Bien que notre présence auprès de vous ne soit... que consultative, il nous
ferait grand peine que votre pureté et votre foi brûlante soient utilisées par
la malice de faux témoins. Aussi recommandons-nous vivement que mademoiselle de
Souarcy soit menée en la maison de l’Inquisition afin d’y être interrogée
devant cette assemblée, sans y être accompagnée de son oncle.
    Florin hésita une fraction de seconde. Il avait le pouvoir
de refuser cette précaution mais la trace de son refus le suivrait. Une pensée
déplaisante s’immisça dans son esprit. Et si ces deux moines témoins avaient
été choisis en confidence par le camerlingue Benedetti, auquel il devait son
départ de Carcassonne et sa nomination à Alençon ? S’ils étaient des
inspecteurs de la papauté, comme il arrivait au Saint-Siège d’en dépêcher pour
régler des problèmes internes survenant dans des monastères, ou veiller à la
bonne marche des procès ? La carrière de Nicolas Florin s’annonçait trop
prometteuse pour qu’il prenne d’inutiles risques. Il ne doutait pas que cette
petite méfaisante de Mathilde maintiendrait son témoignage, et l’on pouvait
compter sur Eudes pour l’y aider. Cependant, la requête du dominicain allait
occasionner un nouveau retard. Mais après tout, la silhouette avait exigé la
mort d’Agnès de Souarcy, sans date d’exécution.
    Le plus sensé consistait donc à obtempérer.
    — Je vous remercie, mon frère, du soin que vous prenez
de moi. Il est précieux dans la solitude du jugement de sentir que d’autres
veillent à vos côtés afin de garantir la pureté et l’intégrité du tribunal
inquisitoire. Greffier... consignez la convocation du témoin et faites mander
mademoiselle de Souarcy.
    Une autre pensée acheva d’alléger son humeur. Une fois
Mathilde dans les lieux, il pourrait exiger une confrontation entre la mère et
la fille. Un bien savoureux spectacle en perspective.

 
Abbaye de femmes des Clairets, Perche, novembre
1304
    Éleusie de Beaufort ferma les paupières. Une larme coula,
traçant un mince sillon tiède jusqu’à ses lèvres. Blanche de Blinot, la
doyenne, serrait sa main convulsivement, répétant comme une litanie :
    — Que se passe-t-il, enfin, que se passe-t-il ?
Elle est morte, n’est-ce pas... Comment peut-elle avoir passé si tôt,

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