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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Annelette. Que croyez-vous qu’était
cette pellicule blanche et sèche sous vos semelles ? Du blanc d’œuf cuit.
J’en avais enduit le sol devant l’armoire à poisons. D’où pensez-vous que
provienne l’effroyable odeur qui s’en est élevée ? De l’essence de rue
fétide que j’avais ajoutée à la préparation. J’ai remarqué ce matin des
empreintes de pas dans le mélange... les vôtres.
    Yolande se contenta de hocher la tête en signe de
dénégation. Éleusie contourna son bureau et s’approcha d’elle à la frôler. D’un
ton sans appel, elle énonça :
    — Le temps file et il ne vous est pas propice, Yolande.
J’ai formulé deux soupçons à votre égard. Entendez-les. Vous êtes la meurtrière
et ma rage vous poursuivra par-delà la tombe. Vous ne connaîtrez nul repos.
Ou... vous avez conçu une amitié excessive pour l’une de vos sœurs, amitié qui
vous pousse à rechercher quelque intimité en dehors des murs du dortoir. Elle
vaudra l’éloignement à l’une de vous deux, sans plus de sanction. J’attends. La
confession de vos fautes peut encore vous sauver. Saisissez-la, ma fille, l’enfer
est si épouvantable que vous n’en avez pas d’imagination. J’attends.
Pressez-vous.
    Yolande leva un grand regard noyé de larmes sur cette femme
qu’elle avait tant admirée, qu’elle redoutait maintenant. Elle ferma les yeux
et laissa échapper un long soupir.
    — Mon fils...
    — Pardon ?
    — On me donne parfois des nouvelles de mon fils. (Un
sourire éclaira le joli visage rond ravagé de chagrin. Elle poursuivit :)
Il va bien. Il a dix ans. Mon père l’élève et le fait passer pour l’un de ses
bâtards. Ainsi, il ne sera pas privé de notre nom. Mon sacrifice l’a sauvé. J’en
remercie Dieu tous les jours, dans chacune de mes prières.
    Un silence massif accueillit cet aveu si inattendu. Éleusie,
perdue, murmura :
    — Mais que...
    — Vous vouliez l’absolue vérité, ma mère. Elles ne sont
pas toutes bonnes à dévoiler. Mais il est trop tard pour reculer. J’avais
quinze ans et je l’aimais si fort, ce bel et doux intendant. Ce qui devait
arriver ne m’a pas épargnée. Je suis tombée enceinte d’un manant, hors le
sacrement du mariage. Le prétendant que l’on me réservait s’est détourné de la
fille déshonorée que j’étais devenue. Je n’avais nulle excuse, il est vrai, m’étant
offerte moi-même avec une absolue passion. Mon amour a été roué de coups et
chassé. Il n’a dû qu’à sa fuite de ne pas être émasculé et écartelé comme un
violeur, ce qu’il ne fut jamais. Il était si tendre, si follement généreux de
son amour. Mon père m’a cloîtrée pour les cinq derniers mois de ma grossesse.
Nul ne devait la constater. On m’a retiré mon fils dès après la délivrance pour
le confier à une nourrice humide. J’ai ensuite été logée dans les quartiers des
servantes, au prétexte que je valais moins que les gueuses et devais être
traitée comme elles. Et puis, mon petit Thibaut que j’apercevais parfois au
détour d’un couloir est tombé malade, j’y ai vu le signe de la colère de Dieu.
J’ai décidé de faire pénitence pour le restant de mes jours et de racheter ma
faute. (Des larmes dévalaient le long de ses joues sans qu’elle paraisse les
sentir. Elle serra les mains de bonheur en répétant :) J’ai été entendue,
de cela je serai à jamais reconnaissante. Mon petit chéri est rayonnant de
santé. Il monte maintenant à cheval comme un grand jeune homme et mon père l’aime
comme son fils. Je prie également pour lui qui fut si féroce et impitoyable.
Peut-être a-t-il retrouvé la douceur du cœur grâce à mon enfant. (Elle se
redressa et conclut :) Vous savez l’absolue vérité, ma mère. Vous avez
connu, vous aussi, la griserie des sens, l’amour du mari. Certes, je n’étais
pas mariée devant les hommes, mais je vous jure que lorsque mon choisi me
coucha pour la première fois, j’étais certaine que Dieu était témoin de nos
épousailles. Je me suis trompée.
    La révélation avait cloué Éleusie de Beaufort sur place. Le
manque de confiance de Yolande la blessait comme une lame. Elle tenta de se
justifier, consciente de l’inanité de son effort :
    — Yolande, ma chère fille... L’Église admet
parfaitement que ses pieux aient connu l’attrait, les plaisirs de la chair dans
le mariage, parfois même en dehors, sous certaines conditions. Il leur suffit
de faire vœu de les

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