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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ce long lien de
cuir épais qui la retenait prisonnière avait pu m’échapper de la gorge. Je l’ai
découverte quatre jours plus tard, au fond du petit nécessaire à reprises que
je garde sous mon lit...
    Les deux autres la fixaient, interdites.
    — J’étais si soulagée que je ne me suis pas attardée
sur l’incohérence de cette retrouvaille.
    — Que voulez-vous dire ? demanda Éleusie,
redoutant de connaître déjà la réponse.
    — J’avais avant cela retourné à deux reprises le
contenu de ma petite boîte sur mon lit, pensant que le lien s’était rompu et
que la clef avait glissé. Le nœud de l’attache de cuir était intact. Je suis
maintenant certaine qu’on me l’a dérobée durant mon sommeil pour la fourrer
ensuite dans la première cachette venue.
    — Une maladroite cachette puisque vous l’aviez fouillée
déjà, commenta Annelette.
    — Non... Que nenni, ma sœur. Une cachette idéale et qui
prouve en quelle piètre estime la voleuse me tient. Elle devait se douter que j’avais
retourné toute ma cellule, mon lit, ma boîte à ravaudage. Elle a tablé sur ma
suffisance, certaine que je serais trop soulagée d’avoir récupéré la clef sans
avoir à avouer mon incompétence. Je suis donc coupable d’orgueil... Cela étant,
si ce monstre me croit lâche, elle s’est grandement trompée.

 
Maison de l’Inquisition, Alençon, Perche, novembre
1304
    Un engourdissement avait terrassé Agnès, peu après qu’elle
eut mastiqué avec application la boulette amère, se contraignant à déglutir
pour avaler la salive désagréable qui lui envahissait la gorge. Une sorte de
rêve éveillé avait progressivement estompé le cauchemar contre lequel elle n’avait
plus envie de se débattre. Elle s’était laissée couler le long du mur,
retardant sa glissade de ses mains.
    Tassée dans le coin du cachot sombre, humide et
pestilentiel. Tassée à même le sol vaseux qui souillait d’une gangue verdâtre
et malsaine le bas de sa robe trop légère, ses mollets, ses cuisses. Tassée,
fouillant la pénombre, tentant de comprendre les sons qui lui parvenaient. Il y
avait eu le claquement des ordres, des éclats de rire obscènes, des cris, puis
des hurlements de souffrance. Ensuite, une sorte de silence de terreur s’était
abattu. Pourtant, Agnès s’en sentait si loin. Elle avait l’impression que le
mur l’absorbait peu à peu. Tassée, cherchant à se fondre dans la pierre, à s’y
diluer pour y disparaître tout à fait. Des pas s’arrêtaient derrière l’épaisse
porte basse. Une exclamation :
    — Au moins, paraît qu’elle est appétissante et
plaisante à regarder, la femelle !
    — L’était. Elle virait à la gueuse quand j’l’ai
redescendue de la chambre de procédure.
    — Allez, faut la mener. Enfin, les femmes c’est toujours
moins lourd à charrier que les gars quand faut les ramener dans les pommes.
    Le bruit si reconnaissable du verrou que l’on poussait.
Pourtant, elle ne fit pas un geste. Elle voguait, bercée par une sorte d’épais
brouillard.
    — Debout, femme de Souarcy ! beugla un des hommes,
qui venait de pénétrer dans sa cellule. Debout, t’entends ?
    Elle serait bien restée ainsi, assise dans la boue
malodorante. Pourtant, une sorte d’instinct l’avertit qu’il lui fallait
dissimuler la nature de son indifférence. Florin ne devait pas apprendre qu’elle
avait le sentiment de flotter en dehors de sa chair depuis qu’elle avait avalé
la boule bistre. Elle parvint à se mettre à quatre pattes et à se redresser.
Elle titubait comme sous le coup de l’ivresse. L’un des hommes déclara,
goguenard :
    — Ben, t’en faut moins que la mienne pour t’envoyer au
septième ciel.
    L’autre manifesta son approbation par un rire gras qu’Agnès
ne comprit pas. De quel ciel parlait-il ?
    Une langueur confortable l’alourdissait, et ils durent la
traîner dans le couloir.
    L’autre garde, celui du rire, déclara :
    — Y devraient pas les priver de la sorte... Après, c’est
nous qu’on se coltine de les déménager. Regarde-moi ça, elle peut à peine
avancer un pied devant l’autre. J’te dis qu’elle va passer dès la première
demi-heure, diagnostiqua-t-il en faisant référence au rythme obligé des
tortures.
    La procédure exigeait en effet que les tourments ne fussent
infligés qu’une demi-heure par question posée. Étonnante et méticuleuse
comptabilité de souffrance. Nombre d’inquisiteurs ne la

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