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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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bassinoiresbien
fumantes. [68]
    — Deux bassinoires ? Vous voulez dire de celles
dont on réchauffe les lits afin d’en dissiper l’humidité ?
    — Celles-là mêmes. Je les veux dégueulantes de braises
bien rouges. Ce sera plus rapide que de tout transporter en cuisine afin de s’y
livrer à la révélation.
    Une haie incertaine de robes blanches attendait. Les sœurs
piétinaient dans leurs bas, leurs souliers poussés devant elles. Des murmures
avaient enflé lorsque l’ordre étonnant avait résonné :
    — Ôter nos chaussures ? Ai-je bien entendu ?
    — Je ne comprends pas.
    — Le sol est glacial...
    — Je suis certaine qu’Annelette est derrière cette idée
saugrenue...
    — Pourquoi veulent-elles nos souliers... ?
    — C’est que mes bas ne sont plus si propres. Nous ne
les changeons qu’à la semaine échue...
    — Je doute qu’il s’agisse d’une inspection d’hygiène.
    — L’un des miens est troué, mon orteil passe au
travers. Je n’ai pas trouvé le temps de le ravauder, quelle honte...
    Éleusie les avait fait taire d’une réprimande, attendant les
bassinoires demandées à une novice étonnée. Elles arrivèrent enfin des
cuisines, fumantes des braises qu’elles abritaient.
    Annelette, suivie de l’abbesse, s’approcha de la gauche de
cette haie de femmes ahuries ou agacées. Elle ramassa la première paire de
souliers et les caressa de la bassinoire surchauffée. Elle procéda de la sorte,
remontant chaque sœur, ignorant les interrogations murmurées, les regards
sidérés. Soudain, un léger grésillement se fit entendre, et une épouvantable
odeur de dents cariées ou de putréfaction de marécages s’éleva d’une des
semelles de Yolande de Fleury. Annelette promena encore la bassinoire jusqu’à
ce que se forme sur le bois une pellicule sèche et blanche. La fureur crispa
son visage, pourtant, elle se tint coite et poursuivit sa vérification jusqu’au
bout du mur de robes. Nulle autre chaussure ne réagit à la chaleur des braises.
Elle revint au pas de charge vers Yolande, décolorée jusqu’aux lèvres. Sa voix
résonna avec tant de force que des sœurs en sautèrent d’effroi :
    — Que faisiez-vous dans l’herbarium ?
    — Mais je... Mais c’est faux...
    — Cessez, à la fin ! rugit l’apothicaire.
    Éleusie, qui redoutait un accès de violence de la part de la
grande femme, intervint d’un ton altéré :
    — Yolande, suivez-nous dans mon bureau. Vous autres,
mes filles, vaquez à vos habituelles tâches.
    Elles durent remorquer une Yolande récalcitrante, tentant de
se justifier, jurant qu’elle n’avait pas mis un pied dans l’herbarium.
    Annelette poussa la jeune femme dans le bureau de l’abbesse
et referma brutalement la porte derrière elles. Elle se laissa aller contre le
panneau comme si elle redoutait que Yolande de Fleury cherche à s’enfuir.
    Éleusie rejoignit sa table de travail et demeura debout, les
mains plaquées bien à plat sur la lourde plaque de chêne sombre. Annelette
reconnut à peine le timbre de l’abbesse lorsqu’elle tempêta :
    — Yolande, ma patience est échue ! Deux de mes
filles sont mortes et deux autres ont réchappé de leur terme, cela en bien peu
de temps. Les atermoiements et les politesses ne sont plus de mise, ils
seraient même coupables de ma part. J’exige la vérité, et je la veux maintenant !
Si vous vous dérobiez à nouveau, et puisque je refuse de juger moi-même l’une
de mes filles, je me verrais dans l’obligation de vous livrer au bras séculier
de messire le grand bailli Monge de Brineux. J’ai réclamé la mort pour la
coupable. J’ai réclamé qu’elle soit découverte jusqu’à la taille et flagellée
en public.
    En dépit de son apparente sévérité, la peine exigée était
relativement complaisante pour les crimes d’enherbement. La torture suivie de
la mort en étaient les habituelles punitions.
    Yolande la fixa, le regard hagard, incapable de formuler un
mot. Éleusie cria presque :
    — J’attends la vérité ! L’absolue vérité ! Je
vous somme de répondre à l’instant !
    Yolande ne bougeait pas. Le sang avait fui de son visage et
la cendre lui prenait les tempes. La tête baissée, elle dit :
    — Je ne me suis pas rendue en l’herbarium. La dernière
fois que j’ai approché de la bâtisse, Annelette m’a surprise et vous a rapporté
mon escapade nocturne. Je ne m’en suis pas approchée depuis.
    — Vous mentez, intervint

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