Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
courage. Je redoute
de ne pas me conduire avec honneur, de me transformer en pantin hurlant prêt à
avouer le pire pour que cessent mes tourments...
    — Je ne doute pas de mon courage et pourtant, je le
craindrais, moi aussi. Toutefois, c’est mal vous connaître et c’est mal me
connaître... J’ai pour règle de ne rien abandonner au hasard des hommes... Il
est le plus généralement ténébreux.
    Elle voulut l’interrompre, le presser de s’expliquer, de l’éclairer
sur le sens de cette dernière déclaration, mais il la coupa d’un geste de la
main :
    — Madame... il vous faut tenir la souffrance. Il vous
faut tenir jusqu’à demain, pour l’amour de Dieu.
    — Jusqu’à demain ? Pourquoi demain et pas aussitôt ?
    Elle s’en voulut d’abord de cette phrase inspirée par la
peur de la douleur à venir. Après tout, elle n’était qu’un être de chair, de
sang et de nerfs.
    — Parce que demain, Il aura jugé.
    Elle ne fit pas même l’effort de chercher ce que signifiait
cette phrase. Tout lui semblait si étrange, si irréel depuis quelques instants.
Le chevalier reprit pourtant :
    — Le jugement de Dieu pourra être invoqué, madame.
    — Y croyez-vous encore ?
    — Bien sûr... puisque je suis Son bras. Si Florin
venait à disparaître avant le début de vos tourments sous la Question, il
serait vite remplacé et le procès se poursuivrait, risquant de s’étendre à ceux
de vos gens qui vous ont soutenue...
    Agnès comprit l’allusion à Clément et ne s’étonna même pas
que cet étrange chevalier connût l’existence de l’enfant. Elle hocha la tête en
signe de refus.
    — ... En revanche, si Dieu le frappe en punition de vos
injustes souffrances endurées, nul ne souhaitera reprendre l’accusation
ensuite... pas même Rome.
    — Rome ?
    — Le temps nous presse.
    Il tira de son surcot un minuscule sachet de toile ocre et
fit rouler dans sa paume la grosse bille d’un brun verdâtre qu’il contenait. Il
la lui tendit.
    — Mâchez cela juste avant le supplice. Mâchez, je vous
en conjure. Vous sentirez à peine la morsure des lanières. Il s’agit d’une pâte
qui me vient de Chine après bien des mésaventures. Cette résine est fort amère
mais presque magique pour qui sait l’employer.
    — Qui êtes-vous au juste ? Pourquoi risquer votre
vie afin de m’aider ?
    — Il est trop tôt pour discuter de cela...
    Il ajouta, l’égarant davantage :
    — ... La pureté ne se conçoit pas sans inflexibilité, à
défaut de quoi elle mène au sacrifice, et il est trop tôt. Vous devez vivre.
Mon honneur, ma foi et mon choix sont de vous protéger jusqu’à mon dernier
souffle.
    Un coup résonna derrière la sinistre porte. La voix d’Agnan
leur parvint, déformée par l’épaisseur du panneau :
    — Vite, de grâce ! Il s’énerve et descendra
bientôt.
    — Vivez, madame. Oh, mon Dieu ! vivez, je vous en
conjure !
    Agnès dissimula d’un geste rapide la boulette de pâte brune
entre ses seins. Lorsque la porte se referma derrière l’homme, elle se demanda
si elle n’avait pas été victime d’une hallucination. Elle dut frôler la bille
prisonnière de sa robe pour se convaincre de la réalité de cette rencontre.
    Elle s’allongea et ferma les yeux, refusant de rechercher
plus avant la signification de cet échange. Elle n’était qu’un être de chair,
de sang et de nerfs, et l’entrelacs complexe des desseins qu’elle commençait de
pressentir au-dessus d’elle lui donnait le vertige.
    Une voix claire comme une cascade résonna dans son esprit.
Clémence. Clémence de Larnay.
    Vis, ma toute belle. La fin de la bête hideuse approche. Vis
pour nous, vis pour tes deux Clémence.
    Je vais vivre, mon cher ange, murmura Agnès en s’assoupissant.

 
Abbaye de femmes des Clairets, Perche, novembre
1304
    Une ombre se glissa dans la pénombre de l’immense dortoir,
guettant les souffles, surveillant les ronflements. Elle hésita. Son regard
frôla les trois rangées d’alvéoles entourées de rideaux qui garantissaient aux
sœurs un peu d’intimité pour se dévêtir. Au centre de chaque petite cellule de
toile était planté le lit.
    Des abeilles. Une ruche d’abeilles qui s’activaient on ne
savait à quoi. Une multitude d’insectes dont l’existence ne faisait aucune
différence. Un univers de rites, d’habitudes, d’ordres, toujours identiques.
Une rancœur rageuse étouffa l’ombre. Elle les détestait. Toutes. Partir de

Weitere Kostenlose Bücher