Le souffle du jasmin
à Bagdad du grand mufti de Jérusalem. N'avait-il rien à faire dans son
pays ? Façon d'annoncer qu'ils ne tarderaient pas à le déporter.
Nidal
el-Safi et le général échangèrent une vigoureuse poignée de main. Au moment où
le véhicule allait démarrer, le passager assis à la droite du chauffeur, et
dont le visage était resté dans l'ombre, se retourna.
– Alors,
mon ami ! Prêts pour le grand jour ?
–
Rachid ?
– Eh
oui ! En chair et en os. Te souviens-tu ? Un jour, après le coup
d'État manqué de Bakr Sidqi, je t'avais dit : « Sans le vouloir, Bakr
Sidqi et ses acolytes ont lancé une idée qui risque fort de faire des
émules. » Et tu m'avais demandé : « Des coups d'État risquent
donc de se produire dans le monde arabe ? »
– Oui. Et
je me souviens de ta réponse : « À la différence qu'ils ne seront pas
fomentés par un groupuscule de politiciens, mais par l'armée. » Et tu
avais ajouté : « Il suffira d'un homme providentiel. »
Rachid
el-Keylani se mit à rire.
– Excellente
mémoire !
Il donna
l'ordre au chauffeur de démarrer.
Deux
véhicules les précédaient. Dans le plus proche, Nidal identifia sans surprise
la silhouette massive de Chams. Il n'éprouva ni inquiétude ni angoisse, mais de
la fierté. En revanche, qui était le personnage en keffieh assis près de
lui ?
Il
questionna Rachid.
– Tu
verras bien, fut sa seule réponse.
Près d'une
demi-heure plus tard, le convoi arriva devant le palais. Les grilles
s'écartèrent comme par enchantement. L'un des occupants du premier véhicule
avait-il abattu les gardes ? Nidal n'avait rien vu, rien entendu. Ou bien
ceux-ci étaient-ils de mèche ? Toujours est-il qu'une trentaine d'hommes
jaillirent et, pistolet au poing, gravirent au pas de charge l'imposant
escalier menant à l'intérieur du bâtiment. Nidal suivait. Parvenus au deuxième
étage, ils tombèrent nez à nez avec des fonctionnaires épouvantés.
– Où est
le régent ? aboya Chams.
Nidal eut
du mal à reconnaître son fils dans ce combattant déterminé au ton péremptoire.
– Je ne
sais pas... balbutia un chambellan terrifié.
– Tu mens !
– Non... Non. Par Allah, je dis la vérité !
– Où sont ses appartements ?
Cette fois, la question avait été posée par l'homme au
kef fieh que
Nidal avait entrevu aux côtés de Chams. Il devait avoir entre trente et
trente-cinq ans, yeux noirs, visage de poupin, la lèvre supérieure ourlée d'une
moustache noire.
À ce moment-là, le général qui accompagnait Nidal lui
chuchota :
– C'est Abd el-Kader el-Hussein!
– Abd el-Kader ? Le Palestinien ? Le chef de
l'Armée du djihad sacré ?
– Lui-même.
– Mais je le croyais en Palestine !
– Voilà trois ans qu'il a fui pour se mettre au service de
notre ami Rachid.
– Venez ! ordonna ce dernier.
Commença alors une fouille systématique du palais,
tandis que trois militaires montaient la garde sur le perron. Pas une porte ne
demeura indemne. Celles qui étaient verrouillées furent fracassées d'une balle.
Dans l'un des placards des appartements du régent, on trouva une trentaine de
paires de chaussures impeccablement cirées, semelles comprises, et six flacons
d'eau de lavande Yardley. Mais dans le bâtiment, aucune trace d'Abdallah ni de
Fayçal II.
Finalement, deux heures plus tard, les membres du
putsch, El-Keylani et Abd el-Kader en tête, se retrouvèrent dans un salon du
rez-de-chaussée. Il fallait se rendre à l'évidence. Confirmant les dires des
domestiques, leurs majestés le roi et le régent étaient partis le matin vers 9
heures pour une destination inconnue.
– Sans bagages ? avait questionné Abd el-Kader.
– Les bagages avaient déjà été expédiés...
– Quand ?
– Il y a deux jours.
– Pour quelle destination ?
– Je ne sais pas...
Quelqu'un les avait prévenus.
Abd
el-Kader cracha par terre, fou de rage.
Rachid eut
du mal à masquer son dépit.
Nidal
avisa tout à coup l'un des civils qui faisait partie du putsch ; il le
connaissait bien, c'était Moustapha Foda, un médecin qu'il avait plusieurs fois
rencontré lors de soirées chez Rachid el-Keylani.
Il le
questionna :
– Vous
vous attendiez à soigner quelqu'un ?
– Non. À
tout hasard, nous avions rédigé l'avis de décès du régent. Je devais être
présent.
– De quoi
Abdallah serait-il mort ?
– D'une
crise cardiaque.
*
Le lendemain matin, les faits apparurent dans
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