Le souffle du jasmin
leur
triste simplicité : Abdallah, prévenu, avait fui pour Bassorah emmenant le
jeune roi avec lui. De là, il avait embarqué sur un navire anglais à
destination de l'Égypte. Quant à ce vendu de Nouri el-Saïd, il s'était enfui en
Iran.
« Peu importe ! déclara Rachid el-Keylani.
Nous irons jusqu'au bout ! » Pendant qu'il se faisait proclamer chef
du nouveau gouvernement et constituait son cabinet, la troupe et la foule
assiégèrent l'ambassade de Grande-Bretagne, où quelque trois cents personnes
s'étaient réfugiées.
Nidal el-Safi, lui, retrouva son poste de ministre des
Communications, mais seulement, cette fois, en qualité de sous-secrétaire
d'État. Son âge l'avait un peu démonétisé.
Simultanément, comme il s'y était engagé auprès
d'El-Keylani et du grand mufti, le haut commandement allemand fit parvenir aux
insurgés seize Heinkels et dix Messerschmitt. Les avions devaient servir à
prendre d'assaut la grande base aérienne britannique de Habbaniyya. Une
opération qui paraissait facile puisqu'elle n'était défendue que par une
poignée d'élèves pilotes et d'instructeurs. Quarante-huit heures auparavant,
une vingtaine de blindés allemands avaient franchi les frontières du pays.
Tout
semblait donc perdu pour les Anglais. Mais, déjouant tous les pronostics, la
base de Habbaniyya résista. Faisant preuve d'un héroïsme exceptionnel, au cours
de combats acharnés, les pilotes anglais réussirent à abattre la presque
totalité de la flotte ennemie.
Le 17 mai,
un avion décolla de Jérusalem, direction Bagdad. Il avait à son bord des
membres de l'Irgoun, commandé par le chef de l'organisation, David Raziel, libéré
des prisons anglaises pour l'occasion. Ils étaient chargés par les services
secrets de Sa Majesté de détruire toutes les installations pétrolières afin
d'éviter qu'elles ne tombent entre les mains des hommes d'El-Keylani ou, pire,
des Allemands. Échange de bons procédés, Raziel avait été autorisé – dans le
cas où l'opportunité se présentait – à kidnapper le grand mufti et à le ramener
à Jérusalem. Là-bas, l'Irgoun saurait lui régler son compte.
Mais, une
fois à Bagdad, un contrordre fut donné. Les autorités anglaises venaient de
prendre conscience que détruire les raffineries risquait d'amputer gravement
les capacités de ravitaillement de leurs troupes en Orient et que reconstruire
les pipelines prendrait des années. Le QG anglais ordonna donc au commando de
l'Irgoun de se replier sur la base de Habbaniyya.
Le 17 mai,
Raziel et ses hommes arrivèrent à bord d'une voiture devant le Tigre. Aucun
moyen de le franchir. La seule embarcation disponible ne pouvait contenir plus
de deux personnes. En désespoir de cause, les hommes remontèrent dans leur
véhicule, prêts à reprendre la route de Bagdad. C'est au moment où ils
démarrèrent qu'un avion allemand jaillit dans le ciel, juste au-dessus d'eux.
Il largua
ses bombes.
Raziel et
ses compagnons furent désintégrés.
Le matin
du 28 mai, les Anglais s'étaient ressaisis. Un nombre impressionnant de
bataillons, sous le commandement du légendaire major John Glubb, encercla
Bagdad. Les troupes n'entrèrent pas tout de suite dans la ville reconquise,
laissant ce privilège au régent, le prince Abdallah.
Le 30 mai,
le maire signa l'armistice. Tout était consommé.
Cinq des
instigateurs du coup d'État furent pendus. D'autres furent jetés en prison.
Parmi ces derniers se trouva un personnage, resté jusque-là dans l'ombre
d’El-Keylani : Khaïralah Talfa. Il était l'oncle maternel
d’un certain Saddam Hussein.
Le château
de cartes s'était écroulé. Brisé, dépité, Rachid el-Keylani remit ses rêves
d'indépendance au placard et, déjouant la surveillance des Britanniques, trouva
refuge à Berlin, en compagnie du grand mufti.
Abd
el-Kader el-Husseini, lui, s'envola pour l 'Égypte.
— Il faut
partir, supplia son épouse. Ils vont venir t'arrêter. C 'est miracle qu'ils ne l'aient pas
déjà fait. Il faut partir !
Chams protesta avec véhémence.
– Faites
ce que vous voulez. Moi, je ne quitterai jamais mon pays !
– Tu
obéiras ! ordonna Nidal.
– Ce n'est pas à quarante ans que l’on
me donnera des ordres, fût-ce mon père ! Je refuse.
– Majnoun !
Mon fils ! hurla Salma au bord de l’hystérie. Tu vas finir comme les
autres : fusillé !
– C’est
mon choix !
–
Chams ! menaça Nidal, prends garde ! J’ai encore suffisamment
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