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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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de
vigueur pour…
    Chams
n’était plus là. La porte de l’entrée claqua avec fracas.
    – Ce n’est
pas possible, gémit Salma. Pourquoi, ya rabb , pourquoi mon Dieu !
    Elle éclata en sanglots, le corps secoué de
tremblements.
    Le lendemain, un soldat anglais annonça au couple qu’il
pouvait venir récupérer la dépouille de leur fils. Au dire du sergent, Chams se
serait jeté avec sa voiture sur un barrage et les militaires n'auraient pas eu
d'autre choix que de tirer.
    Le 1 er juin, à 15 heures, alors que Nidal et son
épouse quittaient le cimetière,
ils furent pris à partie par des émeutiers déchaînés. On eût dit qu'un ouragan
s’abattait sur la ville.
    – Que se passe-t-il encore ? pesta Nidal. Ces
imbéciles n’ont-ils pas
compris que tout est perdu ?
    Nidal se trompait. Ce n'étaient pas les Anglais que les
mani festants visaient.
    Ce 1 er juin était Shavouot, jour de fête juive.
Les premiers troubles avaient commencé lorsqu'un groupuscule de partisans d'El -Keylani et du mufti avait pris à partie des
représentants de la
communauté juive qui traversaient le pont El-Khour pour aller rendre hommage au
régent réinstallé dans son palais. En quelques minutes, ce fut l'embrasement. Le
quartier juif avait été pris d'assaut aux cris furieux de « Palestine
libre ! » et « Vive le mufti ! »
    Le soir, on estima à deux cents le nombre de Juifs
morts, parmi lesquels de nombreux enfants, des milliers de blessés, neuf cents
boutiques détruites.
    Ce fut le début de l'exode d'une communauté présente en
Irak depuis vingt-six siècles et qui comptait 135 000 âmes.
    Quelqu'un entendit Balfour ricaner dans sa tombe.
     
     
    *
     
     
    Le 3 juin, résigné, la mort dans l'âme, Nidal annonça à
Salma que son choix était fait. Il avait pensé un instant rejoindre Dounia et
Jean-François à Paris, mais le fils d'Orient n'aurait jamais pu s'accoutumer
aux brumes de l'Occident. Non. Ce serait Istanbul, où un cousin germain se
montrait prêt à l'accueillir. Il possédait une résidence inoccupée dans le
quartier chic de Péra – blanche, avait-il précisé, avec des balcons roses –,
elle était à la disposition du couple.
    Huit jours plus tard, lui, les El-Safi quittaient leur
maison familiale pour le nord. Après une longue halte en Syrie, ils arrivèrent
à Istanbul le 20 juin.
    Siège du pouvoir central de l'ancien occupant, la ville
sur Bosphore se montra accueillante. Dans les montagnes, les amandiers et les
pistachiers étaient en fleur et le spectacle des caïques sur le Bosphore
caressait l'œil.
    Toutefois, ainsi qu'il fallait s'y attendre, les jours
passant, Nidal ne parvenait pas à secouer une mélancolie tenace. Il avait –
ironie du sort – demandé asile aux ennemis d'antan ; son fils unique était
mort ; son existence glissait vers le crépuscule. Comme entraîné par une
nuée de papillons de nuit, il s'était brûlé au feu de ses propres illusions.
Peut-être ne reverrait-il jamais ce pays, son pays qu'il avait voulu libérer.
    – Dieu te bénisse et bénisse ta sagesse !
    Salma savait qu'en optant pour l'exil en Turquie Nidal
avait fait le meilleur des choix : désormais sous occupation militaire
conjointe anglaise et soviétique, l'Iran eût été un piètre refuge. Et, redevenu
tout-puissant à Bagdad, ce scorpion de Nouri el-Saïd avait obtenu de se faire livrer
les militaires nationalistes et les avait fait exécuter.
    Ce fut d'Istanbul que Nidal observa l'un des derniers
soubresauts de l'aventure désespérée de Hajj Amine el-Husseini et de Rachid
el-Keylani : le 20 octobre 1941, recommandé par Adolf Eichmann, le mufti
rencontra Hitler à Berlin. Le chef religieux avait déclaré au Führer que les
Arabes et les Allemands avaient trois ennemis en commun, les Juifs, les Anglais
et les communistes, et réclamé de toute urgence une intervention militaire en
Palestine. Hitler avait promis de l'aide matérielle, mais s'était gardé de
toute précision stratégique.
    À ceux profondément choqués par cette
« alliance » avec les nazis, le mufti expliquerait plus tard :
« C'est l'intérêt de ma nation qui m'a dicté ce choix. Le sort d'un
individu paraît insignifiant dès lors qu'il s'agit de l'avenir d'une nation. La
victoire des Anglais signifiait la perte de la Palestine. Notre peuple n'était
pas en mesure de se défendre seul. Il nous fallait donc chercher un appui
auprès de celui qui était plus fort que notre ennemi. À cette

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