Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
Vom Netzwerk:
époque, les
victoires remportées par les armées de l'Axe ne laissaient aucun doute sur
l'issue de la guerre et je n'avais point l’intention d'attendre la victoire
finale pour agir et être à la merci des vainqueurs. Je voulais voir les Arabes
porter les armes, non pas au profit de l'Axe, mais pour leur cause, pour la
libération de mon pays. L'opinion générale est forgée par les moyens
d’information qui relatent les événements et en déforment la plupart du temps la
réalité. Nous, les Arabes, ne disposons pas de moyens propres d'expression, par
conséquent notre point de vue n'a pas été exposé, ou, du moins, il ne fut ni
justifié ni explicité. Les principes sur lesquels est fondée notre propagande
ou nos propagandes sont erronés et contribuent à notre défaite. Dites-moi à
quoi nous a servi notre propagande en Europe ? La réponse est : à
rien. Elle s'est heurtée aux songes ou à une clameur rauque et quand je lisais
ce qui s'écrivait sur mon séjour en Allemagne, je me demandais : où
voulaient-ils donc que je sois allé ? En exil ? En prison ? Me
livrer aux Anglais ? Auraient-ils voulu que j'aille de mon plein gré chez
mes ennemis ? À quel prix ? Ce n'est pas la mort que je craignais, mais
j'aurais voulu qu'elle fût utile à mon pays.
    Je ne me suis pas rendu dans les pays de l'Axe pour me
mettre à leur disposition, mais pour servir ma cause, qui est celle de toute ma
nation. J'y étais en tant que négociateur et non en collaborateur. Mon souhait
fut que mon séjour profitât à la Palestine en particulier, à la grande patrie
arabe et à l'Islam, dont j'ai la charge sublime d'élever le nom très haut [100]  ».
    Peu de temps après, ce fut au tour de Rachid el-Keylani
d'être accueilli, mais, honneur suprême, à Bertschesgaden, dans l'antre du Führer.
Cette fois, rien ne transpira. Néanmoins, tout portait à croire que l'Irakien
n'emporta qu'amertume et désillusion, puisque, dans les jours qui suivirent, on
apprit qu'il avait choisi de s'exiler en Arabie Saoudite.
    Ce 28 octobre 1941, assis devant la fenêtre qui ouvrait sur le parc des Petits
Champs, Nidal relut aux premières lueurs du jour et pour la seconde fois la
sourate 113, dite El-Falaq . Dorénavant, c'est auprès de Dieu qu'il puiserait son
réconfort.
    Je
cherche protection auprès du Seigneur de l'aube naissante, contre le mal des
êtres qu’Il a créés, contre le mal de l’obscurité quand elle s'approfondit,
contre le mal des sorcières qui soufflent sur les nœuds, et contre le mal de
l'envieux quand il envie.
    Quand Salma entra dans le salon, elle trouva son mari
endormi. Tête inclinée contre sa poitrine.

 
     
     
     
29
     
     
     
     
    Quand la terre tremblera d'un violent tremblement, et
quelle fera sortir ses fardeaux, et que l'homme dira :
« Qu’a-t-elle ? » ce jour-là, elle contera son histoire, selon
ce que ton Seigneur lui aura ordonné.
     
    Sourate 99.
     
     
    Le
Caire, fin octobre 1941
     
     
    Aussitôt après le suicide de son père, Taymour avait
démissionné de ses fonctions de député et s'était gardé de descendre dans
l'arène politique ou de se lier avec quiconque parmi les ténors de ce milieu.
Il ne souhaitait plus qu'une seule chose : se consacrer à ses enfants.
Hicham allait vers ses seize ans et Fadel avait soufflé ses douze bougies le 14
septembre. Les circonstances de la mort de Loutfi avaient fait prendre
conscience de Taymour de la vanité des choses, et l’interrogation affrontée un
jour, devant son miroir, lui revenait plus insistante que jamais :
« Qui es-tu ? »
    La réponse, il crut l'entrevoir dans les yeux de ses
fils. N'avaient-ils pas en eux une parcelle de lui ? Et donc
d’éternité ? Ils représentaient un trésor unique qu'il se devait de
couver, de protéger, afin d'éviter qu’il ne se ternisse.
    Hicham s'était révélé très vite un enfant brillant, doté
d’une mémoire phénoménale. Ce qui n'allait pas sans soucis. Car, il suscitait
la jalousie de camarades qui se gaussaient, estimant que la mémoire ne
remplacerait jamais la compréhension. Il ne s'agissait que de mauvaises
langues : Hicham possédait en effet aussi cette faculté. Lorsque Taymour
posait la sempiternelle question que tout parent pose un jour :
« Qu’aimerais-tu faire plus tard ? », le garçon répondait
inexorablement : « Soldat. »
    – Soldat ? Soldat ? Mais nous n'avons même pas
d'armée, ou alors elle est guignolesque ! Pour

Weitere Kostenlose Bücher