Le souffle du jasmin
polonais, il devrait y avoir
assez de place pour la réinstallation des réfugiés sans foyer.
Le roi
reprit :
– En tout
cas, soyez certain que jamais il ne pourra y voir de coopération entre Juifs et
Arabes en Palestine. Ni en Palestine ni ailleurs. La partition de la Palestine
représente une menace croissante qui pèse sur l'existence des Arabes. Mes
frères choisiront la mort plutôt que de céder leurs terres à des étrangers.
Un temps
de silence.
Les deux
hommes s'observent.
L'Américain
hocha la tête, tandis qu’Ibn Séoud ajoutait :
– Mais
nous n'avons rien à craindre, bien sûr. L'espérance des Arabes n'est-elle pas
fondée à juste titre sur la parole d'honneur des Alliés et l'amour de la
justice qui anime les États-Unis ? Nous pouvons compter sur votre appui,
n'est-ce pas ?
Le
président américain s’éclaircit la gorge.
– Majesté,
sachez que je ne ferai rien pour soutenir les Juifs contre les Arabes et
n'accomplirai aucune action hostile envers le peuple arabe. Néanmoins, Votre
Majesté doit savoir que je ne peux en aucun cas empêcher les discours et les
résolutions du Congrès, ou censurer les articles de presse. Nous sommes une
démocratie, voyez-vous ? En revanche, la garantie que je vous donne a pour
fondement ma propre politique à venir en tant que chef de l'exécutif du
gouvernement des États-Unis.
Ibn Séoud
acquiesça, remercia son interlocuteur pour cette déclaration et proposa
d'envoyer une mission arabe en Amérique et en Angleterre afin d'exposer la
thèse arabe sur la Palestine.
–
Excellente idée, Majesté ! Vous avez d'autant plus raison que la plupart
de nos concitoyens sont très mal informés.
– Sans
doute. Je vous rappelle toutefois que si la mission d'information est utile, le
plus important reste l'engagement que vous, en tant que président, venez de
prendre.
Roosevelt
confirma avec empressement.
Était-il
de bonne foi à ce moment précis ?
– Nul ne le saura jamais.
Les deux hommes se séparèrent.
L'Arabie Saoudite venait de céder l'exploitation de
ses ressources pétrolières aux États-Unis. Pendant soixante ans, les Américains
se voyaient assurer un accès privilégié au pétrole du Royaume en échange d'une
protection militaire si besoin, avec toutes les conséquences à venir sur la
scène moyen-orientale. Pourquoi Séoud avait-il fait ce choix ? Parce que
sa haine de l'Angleterre était sans limites, parce qu'il ne supportait pas la
goujaterie de Churchill qui, lors de leur seule entrevue, avait passé son temps
à lui souffler à la figure la fumée de son cigare, et parce que les États-Unis
demeuraient la seule puissance à ne pas avoir eu une démarche colonisatrice
dans la région.
Hélas, le roi n 'eut jamais la preuve de la bonne foi de Roosevelt :
le président américain mourut deux mois plus tard, le 13 avril 1945, laissant
mystérieuses ses intentions définitives quant au sort de la Palestine. En revanche,
celles de son successeur, Harry S. Truman, furent très vite affirmées.
Trois mois environ après cette discussion, le 8 mai 1945,
Berlin tomba. Les victoires alliées en Europe et en Asie ayant instillé dans le
monde arabe le sentiment de l'écrasante puissance militaire des Américains, le
réalisme déconseillait d'élever la voix devant pareils titans, même épuisés par
le combat qu'ils achevaient de livrer. Ni Hitler ni Mussolini ne viendraient
plus libérer les Arabes.
Le désenchantement se doubla du fait que « les
affaires orientales », comme le disait dédaigneusement un conseiller de
l'ambassade de la rue Tolombat, au Caire, étaient considérées comme régionales.
L'Angleterre faisait toujours la loi dans la plupart des pays du Moyen-Orient.
Quant à la France, son influence diminuait. En Syrie, deux ans plus tôt, le
Bloc national avait remporté les élections, et son candidat, Shukri el-Kuwatli,
élu président de la République affichait sa priorité : contraindre la
France à se retirer. Presque dans le même temps, le 21 septembre 1943, un
chrétien maronite, Béchara el-Khoury, était devenu président de la toute jeune
République libanaise. Indépendantiste farouche, l'homme avait été aussitôt jeté
en prison sur ordre du représentant de la France qui persistait à consulter l'heure sur une montre arrêtée.
Son ministre de tutelle dut le
rappeler à l’ordre, puisque, le 22 n ovembre, dans un sursaut
raisonnable et pragmatique, la France libre décida de
remettre
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