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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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Béchara en liberté et d'accorder la pleine indépendance à son pays.
    L’Am érique, elle,
étendait son ombre sur la péninsule
Ara bique.
     
     
    *
     
     
    – Tout ce qu'on nous
laisse faire, résuma Gamal Abdel N asser, un soir de la
fin  1945 à la villa Loutfi, c'est parler pour ne
rien dire et remuer du vent.
    Hicham, admis à la table,
buvait ses paroles comme on écoute un oracle. Il
absorbait des yeux et des oreilles ce gaillard au sourire perpétuel, même quand il avançait des choses tristes, exsudant
une énergie sans limites.
    Sur l'insistance
d'Ahmed Zulficar, Taymour et son épouse avaient accepté d'organiser
ce dîner pour célébrer la récente nomination de Gamal
au grade de commandant. À vingt-sept ans ! Il était venu
accompagné de son inséparable ami Zakaria, mais également
d'un autre militaire, lequel paraissait lui vouer une admiration
proche de l'idolâtrie : Abdel Hakim Amer. Comme Nasser, il
était originaire du Saïd. Visage longiligne. Expression triste, cheveu noir
frisé. On le sentait chaleureux mais impulsif.
    – Alors,
commandant, questionna Hicham d'une voix anxieuse, selon vous, que faudrait-il
faire pour remédier à cette situation ?
    Nasser, surpris, puis sans doute
touché par l'attention sincère de ce jeune homme de dix-neuf ans, se pencha
vers lui :
    – Faire
comme le chat devant le trou de la souris. Attendre qu'elle commette une
imprudence. Et abattre la patte dessus.
    – Et si
c'est un autre chat qui est dans le trou ?
    Nasser, décidément amusé,
parcourut l'assistance du regard, comme pour la prendre à témoin
    – Il est futé, ce garçon !
Non. Ce sera une souris. Crois-moi.
    Il alluma
une Craven A, sa marque de cigarettes préférée, et reprit, sans quitter Hicham
des yeux :
    – Apprends
que, dès l'instant où tu donnes à ton adversaire l'impression de subir, il
finira tôt ou tard par commettre une imprudence. Seulement, prends garde !
Si tu n'agis pas dès que l'occasion se présente, alors c'est toi qui auras
commis l'erreur.
    Abdel
Hakim Amer se mit à rire :
    – Méfiez-vous
de mon ami. C'est un redoutable joueur d'échecs. Nous avons dû livrer une
centaine de parties depuis que nous nous connaissons et je n'en ai pas gagné
une seule !
    Taymour
demanda :
    –
Dites-moi, commandant...
    –
Appelle-moi Gamal, mon ami. Nous ne sommes pas à l'armée !
    – Gamal.
Dites-moi, quel est votre point de vue sur notre pays ? Est-il voué à
végéter dans cet état léthargique ? Où est la solution ?
    Nasser
aspira une goulée de fumée.
    – La
solution ?
    Il
cita :
    – Liquider
l'occupation britannique ; éliminer le féodalisme ; mettre fin à la
domination du capital sur le pouvoir ; instaurer l'équité sociale ;
constituer une armée intègre et puissante ; établir une vie démocratique
saine. Voilà la solution.
    Taymour
aurait juré que la réponse n'avait pas été improvisée, mais mûri depuis des
mois, voire des années. Il fixa Nasser attentivement. Jamais il n'oublierait ce
qu'il lut à ce moment dans son regard.
     
     
    *
     
     
    Les amis
vieillissaient, les arbres fruitiers donnaient plus de fruits et les Anglais
étaient toujours là.
    La
première bombe atomique lancée sur Hiroshima le 6 août 1945 asséna un coup de
massue à l'opinion arabe. Irakiens, Palestiniens, Syriens, Égyptiens
et autres s’avisèrent pour la première fois, non pas
intellectuellement mais de façon viscérale, que les Américains ne fabriquaient pas
seulement des films de cow -boy et
des voitures ornées de chromes, mais aussi des armes d'apocalypse.
    Certes, dans les
campagnes, où seul le cheikh local, dans le meilleur des cas, possédait une
radio, où personne ne lisait les journaux, faute de savoir lire , les noms
d'Hiroshima et de N agasaki n 'éveillèrent
aucun écho. Taymour put le constater alors que, se rendant à
la ferme, il s'était arrêté un jour à Tantah pour déjeuner.
À la fin du repas, le serveur était venu lui présenter l'addition
et en avait profité pour lui demander le plus gravement
du monde ce qui s'était passé à « Harshama », qu'il prenait à
l'évidence pour une ville juive.
    E t les Anglais
étaient toujours là.
     
     
    *
     
     
    Deir Yassine, 21 juillet 1946
     
    Quatre années
s'étaient écoulées depuis que Karim Shahid avait lancé à ses
parents : « Cette terre est mienne. Dussé-je offrir ma vie,
ils ne me la voleront pas. »
    Le lendemain,
lui et les siens devaient

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