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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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immédiatement l'homme qui attendait
sur le seuil, allure gauche : il était le responsable de l'une des six
orangeraies que possédait Hussein ; la plus importante ; celle qui se
trouvait dans la vallée Jezreel.
    – Matin
lumineux, monsieur Latif, le patron est-il là ?
    – Matin de
jasmin, Karam. Oui. Entre.
    À la vue
de son responsable, Hussein s'alarma. La présence de l'homme à Haïfa était
inhabituelle. S'il avait parcouru tous ces kilomètres, c'est qu’il se passait
quelque chose.
    – Qu'y
a-t-il, Karam ?
    – Hussein
effendi [38] . Il s’est
produit des événements graves. J’ai tenu à vous prévenir en personne. Je…
    – Arrête
de tourner en rond ! Explique-toi.
    – Voilà.
Vous savez que, non loin de votre orangeraie, se trouvent les champs d'Elias
Sursock.
    –
Évidemment ! Voilà des années que je cherche à les acquérir, il a toujours
refusé. Et ses associés beyrouthins, les Touéni, les Moudawar, m'ont opposé la
même fin de non-recevoir. Vous rendez-vous compte ? À eux seuls, ces gens
possèdent quelque 700 000 dounoums. Une fortune ! L'année qui a précédé la guerre, on m'a rapporté
qu'ils avaient exporté de Jaffa plus de 1,6 million de caisses d'oranges,
évaluées à près de 300 000 Livres Sterling ! C'est te dire comme je
me sens petit...
    Il soupira
et invita son employé à poursuivrais
    – Hier
matin, une dizaine d’hommes a débarqué dans la propriété des Sursock. Certains
avec des fusils. L'un d'entre eux s'est présenté aux paysans. Il a dit qu'il
s'appelait Ossovetsy ou Ossosty...
    – Peu
importe ! Poursuivi !
    – Il a
ajouté qu'il était avocat et qu’il représentait les nouveaux propriétaires.
    – Les
nouveaux propriétaires ?
    – Oui. Des
Juifs venus de Russie. Il a montré l'acte de vente signé en bonne et due forme.
Mais, comme vous le savez, les fellahin [39] ne savent pas lire. En tout cas
pas le russe.
    – Elias
Sursock a vendu ?
    Hussein
porta la main à sa poitrine, le visage frappé d’une incroyable
pâleur. Il répéta :
    – Il a
vendu ? À des sionistes ?
    – Ce n'est
pas possible, murmura Nadia, atterrée.
    – C'est,
hélas, la vérité. Ensuite, ce monsieur avocat a exigé que les paysans quittent
la propriété sur-le-champ parce qu'ils seraient remplacés par des ouvriers
agricoles juifs. Vous imaginez dans quel état se sont trouvés ces malheureux.
Au début, ils sont restés silencieux, comme si le ciel venait de rouler à leurs
pieds. Ensuite, la colère a éclaté. Ils se sont jetés sur les étrangers et ont
essayé de les chasser à coups de bâton et de pierres. Mais, comme je vous l’ai
dit, les étrangers étaient armés. L'un d'entre eux a tiré. Un paysan est mort.
Les autres terrorisés, ont dû fuir. J'ai tout vu, j’étais là…
    – Des
hommes armés ? balbutia Nadia, affolée.
    Latif
el-Wakil expliqua :
    – Ils font
certainement partie du groupe Ha-Shomer, le « gardien ». C'est un
gouvernement paramilitaire sioniste chargé de monter la garde dans les champs
des nouvelles colonies de Galilée
où les colons ont reçu, des autorités ottomanes la permission de s'armer. Ils ont
pris la suite d’une autre organisation, Bar Giora [40] , dont la devise était :
« Dans le feu et le sang succomba le royaume de Juda ; dans le feu et
le sang, il ressuscitera. »
    Le cousin
de Hussein garda un moment le silence avant de reprendre :
    – Vous
avez sans doute oublié. Une tragédie identique s'est déroulée il y a quelques
années, avant la guerre, et
presque dans les mêmes circonstances.
    – C'est
épouvantable, gémit Nadia. Si les armes se mettent à parler à la place des
hommes, qu'allons-nous devenir ?
    Elle
répéta :
    –
Qu'allons-nous devenir ?
    Hussein
leva la main en signe d'apaisement.
    —
Calmons-nous. L'ensemble de ces ventes ne représente même pas un pour cent de
toutes les terres. Les vendeurs sont des marchands arabes qui, pour la plupart,
n’ont jamais mis les pieds en Palestine. De vulgaires spéculateurs. Ce ne sont
pas leurs agissements qui feront pencher la balance
démographique en faveur des nouveaux arrivants.
    – Il n'en
demeure pas moins que nous devons nous battre, avertit Latif. C'est pourquoi,
il y a quelques jours, à Jérusalem, au cours d'une réunion, un programme
d’action a été décidé.
    – Nous
allons fonder des associations pour la défense des intérêts matériels et moraux
communs à tous les Arabes de Palestine. Il y aura un

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