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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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Patience...
    Mourad
laissa échapper un rire ironique.
    – De la
patience ? A-t-on vu un ennemi vaincu par la patience ?
    Ce fut
Mona qui rétorqua :
    – La
patience est la clé de toutes choses. Pour avoir des poussins, doit-on écraser
les œufs ou les couver ? Peut-on bâtir une maison tant que le sol n’est
pas affermi ?
    – Tu n'as
pas tort. Seulement, la patience exige des limites ; quand on accepte de
les dépasser, patience devient lâcheté.
    La jeune
femme se contenta de sourire tendrement.
    –
Rassure-toi, Mourad Shahid : lâcheté n'est pas de ton sang.
    Quand ils
regagnèrent la villa de Guizeh, il n'était pas loin de 1 heure du matin.
Taymour s'endormit en pensant au prochain voyage de la délégation égyptienne à
la conférence de la paix à Paris. Quant à Mourad, il lutta sans succès contre
l’insomnie. Il sentait son
corps brûlant, alors que la baie vitrée était grande ouverte sur
le jardin et la chambre emplie des fraîcheurs de la nuit.
    Dans son
esprit, ce n'était pas la libération de Zaghloul ni les interrogations liées à
son départ qui bataillaient ; c'était le visage d'une femme, celle qui
dormait un étage plus haut. D'ailleurs, dormait-elle ? Il se leva, au bord
de l'étouffement, et se rua dans le jardin. Mille et une senteurs
s'engouffrèrent dans sa poitrine, portées par le chant des grillons.
    Il leva la
tête. Un vol de pigeons blancs traversa un champ d'étoiles.
    –
Mourad ?
    La voix le
pénétra comme une dague.
    –
Mona ?
    Il avait
posé la question tout en connaissant la réponse.
    Elle était
à quelques mètres de lui. Elle fit un pas de plus.
    – C'est
curieux ; sens-tu ces parfums ?
    Il mentit.
    – oui.
    Comment
lui avouer que le sien venait de détrôner
tous les a utres ?
    Elle
expliqua :
    – Ce sont
les freesias que mon père a fait planter cet automne. Il a fait venir
spécialement les bulbes de Hollande. Une folie.
    Il se
tenait si près d'elle qu’il percevait son souffle tiède et régulier. Il eut
envie de le respirer, de l'échanger contre le sien et d'en mourir. Il pria pour
qu’elle s'écarte. Il pria Allah et les autres dieux. Mais, ce soir-là, le
Tout-Puissant devait être occupé ailleurs. Aucun dieu n'écouta la supplique de
Mourad. Alors il osa le geste impensable. Il posa sa paume tremblante sur la
joue de la jeune femme. Dans son émoi, il ne se rendit pas compte qu'elle avait
fait de même. Ils basculèrent l'un vers l’autre dans un même élan. Et ce fut
l'embrasement. Dans une demi-brume, il l'entraîna vers la gloriette – une autre
fantaisie de Loutfi bey – érigée au centre du jardin. Il s'agenouilla et elle
en fit autant. Deux corps en prière. Elle se mit à boire aux lèvres de Mourad.
Il but à ses lèvres, conscients l'un et l’autre qu'aucune eau n'eût pu assouvir
leur soif. Il la renversa sur le sol et remonta fébrilement sa robe en organdi
jusqu'à mi-cuisse, dévoilant une peau blanche que la lumière lactaire rendait
plus blanche encore. Elle chuchota, haletante : « Mourad,
Mourad. »
    Il se
contracta, alerté. Affolé. Ce prénom soufflé pouvait avoir une autre
signification que l'expression du désir. C'était peut-être une supplique. Le
refus d'aller plus loin. Mona n’était-elle pas née comme lui dans cet Orient où
l'interdit avait pour devoir de bâillonner le rêve et tous les plaisirs de la
chair hors du cadre conjugal ? Avait-il le droit d'outrepasser les
principes séculaires et les traditions ? Elle était sous lui, bouche
entrouverte, offerte comme un fruit. Il avait emprisonné son visage. Soudain,
pris de panique, il desserra son étreinte.
    Elle cria aussitôt :
    – Ne me laisse pas !
    Elle
referma ses bras autour de la taille du jeune homme, comme une naufragée perdant
pied dans une mer en furie.
    – Mon amour. Nous ne devons… Il ne
faut...
    – Ne me
laissa pas… Non. Ne me laisse pas.
    Elle
retroussa alors vivement sa robe et, saisissant la main de Mourad, la posa sur
son bas-ventre. Son sexe battait comme un pouls, fiévreux.
    Elle supplia. Non. Elle
intima :
    – Prends, mon cœur. Prends mon
âme. Prends ce qui te revient.
    Dans l'instant qui suivit, il
s'enfonça en elle et tandis qu'elle gémissait, se mordant les lèvres pour ne
pas hurler, lui voyait défiler la vie, la mort, le paradis et l'enfer.
    La
dernière vision qui lui traversa l'esprit fut celle des eaux du Nil qui, au
moment de la crue, se déversent et ensemencent les

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