Le souffle du jasmin
dila tées par la peur,
les genoux relevés sous son menton, qui les observait. Il portait de petits
bouts de laine, comme des franges, au coin de ses vêtements.
Une voix cria : « Samuel ! Où es -tu » Samuel ? Samuel ! »
L'enfant ne broncha pas. Il avait les bras et les jambes
ensanglantés.
*
Vers 12 h 30, la
police britannique intervint.
À 14 heures, on se battait dans tout Jérusalem.
À 15 heures, le couvre-feu fut déclaré. Mais on ne décrète
pas le couvre-feu sur les esprits.
– Ça va mieux ? demanda Marcus.
Allongée sur un canapé, Samia fit oui de la tête. Elle
loucha sur le médecin qui venait de poser le pansement sur son front et songea
qu'il ressemblait à un ourson.
Assis à ses pieds, Soliman avait du mal à calmer les
battements de son cœur ; pourtant voilà plus de trois heures qu'ils
étaient à l'abri dans cette maison du quartier de la Hourba. Irina s'approcha
de lui et lui prit la main.
– Il ne faut plus avoir peur.
Soliman s'efforça de sourire.
– Elle aura encore un peu mal à la tête dans la soirée,
dit le médecin, mais demain ce ne sera qu'un mauvais souvenir. Si j'ai un
conseil à vous donner, c'est de passer la nuit ici.
– Merci, Jacob.
– Et mes parents ? s'affola
Soliman. Et mon grand-père, ma grand-mère qui nous attendent !
– Ne t'inquiète pas. Je vais les
prévenir. Quant à Hussein et Nadia, ils ne sauront rien puisque vous êtes
supposés vous trouver chez vos grands-parents.
– Bist meshigeh ! Tu es fou ! s'alarma Jacob. Tu comptes sortir
malgré le couvre-feu ?
– Voilà longtemps déjà qu'en bon
juif j'ai appris à me faufiler entre les gouttes !
Se tournant vers Soliman, il demanda :
– Où vivent tes
grands-parents ? Pas trop loin, j'espère.
– Non. Ils sont à cinq cents mètres.
Juste derrière la Hourba. Rue Ibn el-Khattab. La porte à droite du marchand de
lanternes.
– Parfait. J'y vais. Vous êtes en
sécurité avec le docteur Mahler.
– Sois prudent, Josef, recommanda
Jacob. Les Anglais ne plaisantent pas !
Le médecin vint s'asseoir près de Samia et vérifia
l'absence de saignement sous le pansement. Rassuré, il lui caressa doucement la
joue.
– Tu l'as
échappé belle, maideleh . J'espère qu 'on aura
attrapé le sale bonhomme qui t'a fait ça.
– Maideleh ?
– C 'est du yiddish, expliqua Irina.
– Du yiddish ?
s'étonna Soliman. Vous venez donc du même pays que M. Marcus ?
– Non, expliqua Jacob. Lui est né en
Pologne. Moi, à Leipzig. Une ville d'Allemagne.
– Et vous parlez la même
langue ?
Jacob Mahler se mit à rire.
– Pas vraiment. Je parle l'allemand,
et lui, le polonais. Le yiddish, c'est notre dialecte commun. Un mélange
d'allemand, d'hébreu et de slave.
– Et vous êtes nombreux à parler
ce... dialecte ?
– Oh oui !
lança Irina. Plusieurs millions !
Soliman répéta, comme abasourdi :
– Elle dit vrai ?
– Peut-être huit ou neuf millions. À
vrai dire, nous n'en savons rien. Pourquoi cet étonnement ?
– Heu... Enfin, je ne pensais pas
qu'il y avait autant de Juifs dans le monde. Vous croyez qu'ils vont tous
s'installer ici, en Palestine ?
– Qu'est-ce que tu vas
imaginer ! Pourquoi viendraient- ils ? Ils ont
leur pays. La plupart n'ont aucune envie de le quitter. Ils sont très bien chez
eux.
L'adolescent
faillit rétorquer : « Pourtant, vous et monsieur Josef êtes bien
venus ? », mais pensa que ce serait discourtois. D’ailleurs, comme le
lui avait expliqué son père, les immigrés qui choisissaient de s'installer en
Palestine avaient de raisons ».
– Docteur
Mahler, questionna Samia, pourquoi les enfants Juifs portent-ils des bouts de
laine sur leurs vêtements ?
– Des
bouts de laine ? Ah ! oui, je vois. On les appelle
des tsit-tsit. Ce sont – il chercha l'explication la plus simple – disons que
ce sont des sortes de « pense-bête » que l'Éternel a recommandé de
porter aux enfants d'Israël
afin qu'ils se souviennent de ses commandements.
La fillette opina. Ses yeux se
fermèrent. Elle se sentit gagner par le sommeil. La dernière pensée qui
l'effleura fut : « Pourquoi les petits musulmans ne portent-ils pas
eux aussi des "pense-bêtes" ? »
*
Le lendemain, on annonça quatre
musulmans et dix-huit Juifs tués, et quatre-vingt-un blessés. Telles que
filtrées par l'occupant britannique, les informations donnaient à penser que de « modestes
Weitere Kostenlose Bücher