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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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à peu apaisées se réveilleraient plus fortes, plus exacerbées que jamais, car l’homme ne déteste rien tant que de retomber dans des périls auxquels il croyait avoir enfin échappé. Les gens d’ici commenceraient à regretter le temps des « compagnons de la nouvelle lune » qu’ils pareraient de toutes les vertus, tandis que, au fil des années, ceux-ci avaient fini par les lasser, les importuner, les exaspérer par leurs exigences, leurs crimes et leurs exactions. Est-ce là ce que tu souhaites ?… Perdre le bénéfice de tout ce que nous avons entrepris en ce pays, et réussi, non sans risque ?
    — Mettre toute la Brenne à la question, le pays à feu et à sang, faire resurgir les rancunes et les haines anciennes, qui a parlé de cela ? s’écria Childebrand. Cependant pourrions-nous nous estimer satisfaits et quitter cette contrée, notre mission terminée, rassurés et tranquilles, sans avoir extirpé le mal jusqu’à la racine ? Pourrais-tu soutenir ici, à cet instant, qu’un de ces gredins qui ont pris le large comme ce Raynal, ou encore ce vicaire Argier, l’ami de Nodon, ne fomenteront pas, avec l’aide de complices que nous aurions laissés sur place, une sédition aussi dangereuse que celle dont nous sommes provisoirement venus à bout ? Pourrais-tu y engager ta parole ?
    — Ma parole… murmura le Saxon pensif, ma parole…
    Il regarda le comte droit dans les yeux.
    — Ami, lui dit-il d’un ton trop calme, lorsqu’un Nibelung, missus dominicus de l’empereur Charles le Juste, comme toi, prend un engagement solennel, lui est-il fidèle ?
    Avec un visage qui exprimait une émotion contenue à grand-peine, Childebrand répondit d’une voix sourde :
    — Comment ? Est-ce bien toi, oui toi, qui as osé me poser une pareille question ? Toi, Erwin ? Toi, avec qui…
    Erwin avait tendu au comte un morceau de parchemin, sur lequel était écrit : « Que l’abbé missionnaire du souverain se souvienne de sa parole ! Amric s’est offert au coup mortel de Flaiel pour qu’il la tienne. »
    Le comte lut plusieurs fois le parchemin.
    — Qui a écrit ce message ? demanda-t-il. Comment t’est-il parvenu ?
    — Il s’agit du parchemin qu’Agnès t’a tendu, alors que tu gagnais l’entrée du prieuré, que Timothée a pris et m’a remis. Ce message, elle l’a sans doute dicté après avoir appris la mort d’Amric et les circonstances de cette mort. Ce qu’il dit est rigoureusement exact.
    — Ainsi tu as donné ta parole !… Et quelle parole ?
    — J’ai donné ma parole ! J’ai promis qu’il n’y aurait pas de représailles, que la Brenne ne serait pas mise à sac, que sa population serait épargnée, que les châtiments frapperaient les coupables et leurs complices évidents… oui, et eux seulement. Il est vrai qu’Amric s’est offert au coup mortel de Flaiel pour que je vive et respecte ma parole.
    Childebrand parcourut la pièce de long en large, en frappant le sol du talon à plusieurs reprises.
    — Indulgence… mansuétude, voilà bien, en vérité, ta pente naturelle… Mais cette fois-ci, Erwin, elle ne l’emportera pas sur l’indispensable sévérité. Ta parole… Mais que vaut une parole arrachée par la contrainte ?
    Le Saxon sursauta.
    — Me ferais-tu l’injure de croire que c’est la peur qui m’a dicté cet engagement ? lâcha-t-il en serrant les poings.
    — Tu sais bien que je ne pourrais le penser un seul instant. J’ai eu cent preuves de ta témérité… Mais, aussi libre qu’ait été ta parole, elle demeure ta parole. Moi, je n’ai pas donné la mienne ! Je n’ai donc pas à tenir des promesses que je n’ai pas faites. L’enjeu est trop important pour que je cède aux sollicitations de l’amitié, et Dieu sait pourtant si elles sont pressantes et s’il m’en coûte de ne pas le faire !
    Erwin se leva, blême, et se dirigea vers la porte.
    — Soit ! dit-il. Prends les décisions que tu veux et mets-les en œuvre ! Je ne m’y opposerai pas. Je ne m’y associerai pas non plus. Et je garderai le silence. On pourra me joindre au monastère Saint-Martin à Tours où je vais me rendre sur-le-champ, pour prier, demander pardon à Dieu pour ma vilenie et attendre, dans les macérations, qu’ait été achevé ici ce que tu auras ordonné.
    L’abbé saxon quitta la pièce à pas lents…
     
    Childebrand entreprit, dès le lendemain, ce qu’il avait décidé. Il était d’humeur sombre. Certes, il demeurait persuadé qu’il n’y avait pas

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