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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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sur une faible distance la vallée de l’Indre, puis parcoururent, pendant six lieues, une succession de forêts et de bois troués de clairières, qui abritaient quelques maisonnettes faites de rondins, couvertes de bardeaux et flanquées de potagers, demeures de forestiers sans doute. A Vendœuvres, ils entrèrent dans un pays où alternaient terrains cultivés, prés et marais, ceux-ci occupant une place de plus en plus grande à mesure qu’ils progressaient.
    A plusieurs reprises, Erwin arrêta son cheval pour de longs regards sur cette contrée de terres incertaines et d’eaux stagnantes que surplombaient, menaçants, de lourds nuages noirs. Elle lui parut, en effet, chargée de mystères, dont le moindre n’était pas le charme qui s’en dégageait.
    Le détachement arriva à Mézières dans l’après-midi. Les habitants s’étaient rassemblés sur la grand-place pour l’accueillir. Devant eux se tenaient Guntran encadré par quatre miliciens et, sur le parvis de l’église, l’archiprêtre Nodon. Le viguier proposa à l’abbé saxon « de prendre quelque repos après une si longue chevauchée ». Un en-cas avait été préparé à son intention. Erwin l’en remercia, mais indiqua qu’il désirait gagner l’abbaye Saint-Pierre à Longoret au plus vite. L’archiprêtre, cependant, s’était avancé pour donner lecture d’un interminable compliment de bienvenue. Le missus en ponctua la fin d’un signe de tête et d’un sourire bienveillant.
    Doremus, comme cela avait été prévu, répondit d’une voix forte de manière à être entendu du plus grand nombre et en un dialecte roman ( 10 ) qu’il pensait proche de celui que parlaient les Brennous. Puis l’abbé Erwin commença la récitation du « Notre Père », bientôt accompagné par tous ceux qui se trouvaient sur la place et s’étaient mis à genoux. Avant de partir, il demanda en francique au viguier de se rendre dès le lendemain matin à l’abbaye pour communiquer les résultats de ses investigations et recevoir des ordres quant à la suite de l’enquête.
    L’abbé Ferréol, prévenu par un messager arrivé au grand galop de Mézières, attendait, entouré de ses moines, novices et écoliers, l’envoyé tout-puissant de l’empereur Charles devant le pont qui, enjambant un bras de la Claise, permettait d’accéder au monastère. Le missus écourta assez brutalement les cérémonies de l’accueil, en partie par fatigue et agacement, en partie par calcul. Il voulait ne laisser subsister aucune ambiguïté sur l’étendue de son autorité et la façon dont il entendait l’exercer. Le supérieur du couvent en fut surpris mais n’insista pas. Erwin et ses assistants purent gagner immédiatement la résidence qui leur avait été réservée dans l’enceinte du monastère ; Sauvat, les gardes impériaux et les domestiques du convoi prirent leurs quartiers. Le missus renvoya toute audience au lendemain matin.
    Celle-ci apporta peu d’éléments nouveaux. Guntran et l’abbé Ferréol avaient transmis à Farald toutes les informations en leur possession à mesure qu’ils les recueillaient. L’enquête sur les noyades, d’ailleurs, était au point mort. Manifestement le sort de ces femmes, stryges ou non, laissait de marbre le viguier et le supérieur de l’abbaye. Quant à la « sorcière Fabienne », elle n’avait eu que ce qu’elle méritait. Pourquoi s’en préoccuper ? Le double assassinat du « button aux fades » était attribué à une bande venue d’ailleurs. Et repartie où ? Au diable peut-être… Comment mettre la main dessus ?
    Restait la disparition des deux envoyés Berthet et Godart. Le Saxon eut l’impression que Guntran n’avait pas fait preuve à ce sujet d’un zèle excessif. Les rapports entre le viguier et le vicomte n’étaient peut-être pas des meilleurs. Guntran avait-il ressenti comme une humiliation la venue de ces deux enquêteurs ?
    Puis Erwin aperçut que le viguier et l’abbé, pour établir la vérité, comptaient moins sur des preuves, permettant des déductions et étayant des convictions, que sur des témoignages sollicités avec énergie et sur des aveux obtenus au besoin par la question. Guntran, après avoir fourni au vicomte quelques éléments d’information jugés essentiels, s’en était tenu là. Il avait, semblait-il, attendu l’arrivée des missi dominici, dans l’espoir que ceux-ci autoriseraient, voire mettraient en œuvre des procédés de justice expéditifs.

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