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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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respect, ce qui devait être un compliment de bienvenue. Le Grec, qui n’en avait à peu près rien compris, sinon que son interlocuteur s’appelait Pierre et était l’un des fils de Paquette, se tourna vers le garde.
    — Ennuyeux, non ? dit-il.
    — En effet, maître.
    — Voilà qui ne va pas nous faciliter la besogne.
    L’homme qui avait saisi, lui aussi, à quelle difficulté se heurtait toute conversation sembla pris d’une inspiration soudaine. Il indiqua par gestes qu’il allait s’absenter un court instant et quitta la pièce rapidement. Timothée jeta un coup d’œil autour de lui. Dans cette grande salle commune où il se trouvait, tout était propre, bien rangé. Dans un angle il aperçut un tas de laine prête à être filée, à côté d’un fuseau et d’un petit métier à tisser. Dans l’âtre flambait un feu au-dessus duquel deux marmites étaient suspendues à des crémaillères. Dans l’une mijotait une soupe.
    Pierre revint rapidement, ramenant un vieillard courbé par les ans. A la vue des visiteurs, impressionné surtout par la stature du garde, il se répandit en propos obséquieux… exprimés en francique. Il expliqua qu’il était berrichon, qu’il se nommait Aubin, qu’il avait été fait prisonnier jadis « au cours d’une de ces maudites guerres », réduit en esclavage et emmené près de Laon où il avait servi un seigneur franc. Il y était demeuré dix années puis avait pu regagner le Berry. Paquette l’avait affranchi. Étant donné son âge, il servait à la bergerie. Par son truchement, Timothée put entreprendre un interrogatoire comme il le souhaitait.
    — Je sais, dit-il à Pierre, que ta mère, Paquette, a malheureusement disparu depuis de longues semaines. Cette disparition s’ajoute à d’autres événements fâcheux survenus en Brenne et sur lesquels les missionnaires du souverain eux-mêmes ont entrepris une enquête. On a déjà dû te prévenir que l’un d’eux venait d’arriver à l’abbaye Saint-Pierre, à Longoret. Je suis ici sur son ordre pour découvrir ce que ta mère est devenue et la retrouver, vivante, si c’est encore possible… Voyons d’abord ceci : depuis quand n’a-t-elle plus reparu ?
    Pierre baissa la tête avec un air profondément affligé.
    — Trois mois, presque jour pour jour, répondit-il. Pour mes frères et pour moi, trois mois de désespoir, de faux espoirs. Tu penses bien, seigneur, que nous avons cherché, encore et encore, battant les bois, parcourant en barque les marais. Nous nous sommes renseignés jusqu’à Rosnay, jusqu’au Maupas et même plus loin. Rien. Ou plutôt ceci seulement : des pêcheurs l’ont aperçue près du marais de Blizon.
    — C’est loin d’ici ?
    — Deux lieues, au moins, et par des chemins pas commodes.
    — Et par rapport au marais de Bignotoi ?
    — Les deux communiquent…
    Le Grec demeura un instant silencieux.
    — Sais-tu, reprit-il à mi-voix, quelle découverte macabre a été faite il y a deux mois, et où ?
    L’homme baissa la tête avec un visage crispé.
    — Oui, murmura-t-il.
    — Pardonne cette question, mais… t’es-tu rendu à l’abbaye de Méobecq pour… enfin pour vérifier si l’une des noyées…
    — Pourquoi l’aurais-je fait, riposta Pierre vivement, puisque je sais, j’ai la certitude tu entends, qu’elle doit être vivante ?
    — Évidemment, évidemment…
    Timothée caressa son collier de barbe, d’un air méditatif, et laissa s’écouler à nouveau un moment avant de reprendre ses questions.
    — Donc, dit-il, elle a été aperçue près du marais de…
    — … de Blizon.
    — Avait-elle des parents par là-bas, des raisons de s’y rendre ?
    — Des parents, non, des amis, peut-être.
    — Quelle sorte d’amis ?
    Pierre marqua une très courte hésitation avant de répondre :
    — Elle ne nous en a jamais rien dit.
    — Tanno et sa femme m’ont affirmé que ta mère s’absentait assez souvent, pour deux ou trois jours.
    Le fils de Paquette grommela une vague réponse.
    — Qu’a-t-il dit ? demanda le Grec.
    — Simplement « Ah, ceux-là ! », traduisit le vieil homme.
    Le Goupil se réserva de réfléchir ultérieurement à l’expression de cette animosité.
    — Revenons, reprit-il, aux absences passagères de ta mère. En connaît-on les raisons ? Elle devait bien se rendre quelque part pour y faire quelque chose, et de suffisamment important, attrayant, pour qu’elle quitte périodiquement son manse !
    — Nous étions là, nous

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