Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
Vom Netzwerk:
environs de Méobecq.
    — J’étais en train de me dire la même chose, approuva l’ancien rebelle… Et puis ceci… : tu as dû remarquer que, tout à l’heure, j’ai posé une question… en latin. Or cet Estève, sans y prendre garde sans doute, avec le plus parfait naturel, l’a comprise et m’a répondu… en francique.
    — Pas en latin, quand même !
    — Non, mais en francique, comme le reste de notre conversation – et c’est d’autant plus troublant : un forestier berrichon qui entend le latin et parle le francique couramment !…
    Timothée hocha la tête avec un air songeur.
    En passant à Mézières, les deux hommes se rendirent au presbytère pour se renseigner sur la tournée d’inspection que l’archiprêtre Nodon avait entreprise. Le prêtre qui assurait son remplacement leur indiqua que son supérieur serait de retour dans les quarante-huit heures. Ne sachant pas exactement où il se trouvait, il n’avait pu lui faire parvenir le message dans lequel les assistants des missi lui demandaient de se présenter au monastère Saint-Pierre. Il le lui ferait tenir dès son retour.
    — Où cette tournée l’a-t-elle mené ? demanda Timothée.
    — Dans les paroisses du Nord, celles qui s’étendent jusqu’au pays de Buzançais, répondit le prêtre.
    — Intéressant, de toute façon, estima le Grec.
    Dès qu’ils eurent regagné le monastère, vers le milieu de l’après-midi, les deux assistants s’enquirent de la façon dont avait évolué l’état du frère Antoine. Certes, il n’était pas revenu à lui, indiqua Pétronille la magicienne, mais elle n’excluait plus qu’il puisse reprendre ses esprits assez rapidement.
    Quant au vicomte Farald et au viguier Guntran, ils avaient mené leurs recherches, le premier, comme la veille, dans le pays marécageux entourant Lingé, le deuxième dans les alentours des marais de Bellebouche, de Bignotoi et de Blizon.
    A la huitième heure du jour, Erwin et sa petite escorte, enfin de retour, franchirent les portes de l’abbaye. Dès qu’il apprit ce qui s’était passé en son absence, le missionnaire du souverain se dirigea à grandes enjambées vers la salle où était soigné son assistant et y pénétra d’autorité.
    Il y fut assailli par une puanteur, odeurs d’excréments et de vomissures auxquelles se mêlaient d’épaisses et âcres vapeurs et fumées. Il parvint à distinguer la guérisseuse et ses deux aides qui s’activaient autour de la couche sur laquelle gisait le frère Antoine. Dans la pièce régnait un désordre qui témoignait de leur zèle et de la complexité du traitement qu’ils mettaient en œuvre : à terre baquets de déjections, récipients de différentes formes et contenus, sur des étagères des pots, des cruches, des préparations mystérieuses, au-dessus du feu des marmites contenant des potions bouillonnantes, dans des cassolettes des graines, racines et herbes en train de se consumer, partout des linges, certains tachés de sang ou souillés de matières fécales.
    Quand la magicienne, qui était en train de masser le visage et le torse de son patient avec un onguent, tout en marmonnant des litanies incompréhensibles reprises par ses auxiliaires, aperçut le Saxon, elle s’arrêta brusquement et lui lança, avec un visage courroucé :
    — Toi, que fais-tu ici ? Ah ! tu dois être cet abbé, cet envoyé de l’empereur Charles et tu te crois sans doute tout permis ! Quitte ces lieux ! Tu n’es pas ici dans ton domaine, mais dans le mien. Va-t’en à l’instant ! Tu n’as rien à faire ici…
    Puis, ayant regardé fixement Erwin, elle ajouta sur un ton grave :
    — A moins que tu n’appartiennes en secret à l’Autre…
    L’abbé saxon fut parcouru par un frisson.
    — Sottise ! Infamie ! Blasphème ! jeta-t-il en quittant lentement la pièce.
    La voix de la magicienne l’atteignit sur le seuil.
    — Je sais, abbé, que tu aimes cet homme. Je le sauverai. Mais, va maintenant !
    Erwin, mécontent de lui, donc furieux, rejoignit ses assistants, qui savaient ce que signifiaient ce visage à l’expression figée et ce regard lointain.
    — Il me semble, dit-il avec une élocution exagérément calme, que je vous avais prévenus, que je vous avais rappelé à quels adversaires nous avions affaire. Aurais-je parlé en vain ? Se peut-il que vous ne m’ayez pas entendu ? Et maintenant, voici où nous en sommes… Le frère Antoine, là, ainsi !… Oh ! dieux !
    Il se tut, faisant visiblement un

Weitere Kostenlose Bücher