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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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ils parvinrent sur les bords de l’Yoson, non loin de l’endroit où le frère Antoine avait été retrouvé. La nuit était tombée. Éclairant leur route avec des torches, ils cheminèrent un moment avant d’apercevoir le feu que les bûcherons avaient allumé et ils se dirigèrent droit dessus.
    Le frère Antoine gisait sur le dos, immobile, respirant faiblement, lentement, les yeux fermés, le visage blafard avec de légères crispations des lèvres. A le voir ainsi, inerte et blême, lui qui était habituellement si vigoureux et actif, la vie et la joie mêmes, ses deux amis sentirent les larmes leur venir aux yeux. Le marquis des clairières lui saisit la main, le Goupil lui adressa quelques paroles. Il demeura sans réaction. Les forestiers, que Guntran félicitait, tinrent à porter eux-mêmes le moine jusqu’à la voiture sur laquelle ils le déposèrent avec soin, tandis que tous murmuraient une prière de supplication.
    Avant de partir, Timothée et Doremus, à la lueur de torches, examinèrent rapidement le sol de l’endroit, mi-prairie mi-grève, où le moine avait été retrouvé. L’ancien rebelle se tourna vers Estève le forestier.
    — Reçois encore tous nos remerciements ! lui dit-il. Nous te reverrons demain à l’abbaye Saint-Pierre où tu te rendras sans faute. Fais en sorte que personne ne vienne ici ! Il est nécessaire que subsistent des indices qui sont pour nous du plus grand intérêt et que nous reviendrons examiner en plein jour.
    Arrivés à l’abbaye, les assistants des missi firent porter le frère Antoine au valetudinarium où, en présence de l’abbé Ferréol, il fut examiné par le médecin du monastère. Celui-ci regarda les yeux puis la bouche du moine, respira son haleine, mesura son souffle, écouta les battements de son cœur et tâta ses muscles et son ventre ; il réfléchit un long moment, tout en continuant à observer celui qui semblait toujours se trouver entre vie et mort.
    — Cet homme, finit-il par énoncer, a certainement absorbé des substances maléfiques telles que datura, morelle sauvage, aconit… peut-être même de la belladone.
    — Sais-tu remédier à de tels maléfices ?
    — En vérité, n’est-ce pas mon devoir et mon art ?
    — Je ne te demande pas cela, mais si tu sais réellement combattre leurs effets jusqu’à les éliminer ! Prends garde à ta réponse ! Tu serais tenu pour responsable d’un échec ! jeta le viguier.
    — Comment savoir ce qu’il a absorbé exactement, combien il en a ingurgité, en combien de temps et quand ? De tout cela et aussi de sa résistance dépendent les résultats des remèdes que je peux prescrire, répondit prudemment le médecin. Dans de telles conditions…
    — En voilà assez ! coupa Guntran.
    Le viguier se tourna vers le supérieur du monastère.
    — As-tu toujours recours pour certains accidents ou maladies, à défaut de Fabienne qui doit séjourner maintenant quelque part du côté des enfers, aux services de Pétronille ?
    — C’est-à-dire… commença l’abbé, hésitant.
    — C’est-à-dire, enchaîna Guntran sèchement, que tu vas, à l’instant, la faire quérir – si fait, en pleine nuit ! – par un moine qui saura lui expliquer de quoi il s’agit. Elle habite à une demi-lieue d’ici, en allant sur Gabriau… D’ailleurs tu le sais très bien… Je veux la voir ici dans moins d’une heure avec ses aides et tout ce qui est nécessaire pour tirer cet homme de l’état où il se trouve.
    — En attendant sa venue, nous prierons le Tout-Puissant, ajouta pieusement le vicomte Farald.
    L’abbé Ferréol, manifestement outré, suivi de son médecin, le visage crispé, quitta sans un mot le valetudinarium. Moins d’une heure après y entra celle en les talents de laquelle Guntran avait déclaré placer sa confiance. Elle ne correspondait en rien à l’idée qu’on pouvait se faire d’une magicienne, encore moins d’une stryge. Elle portait un vêtement très simple, une longue tunique bleue serrée par une ceinture ornée de quelques pierres précieuses ; sur ses cheveux grisonnants elle avait posé un voile blanc retenu par un bandeau brodé. On pouvait remarquer toutefois qu’elle portait à l’annulaire de sa main gauche une bague sur la tête de laquelle était gravé un signe étrange. Il se dégageait d’elle une curieuse impression d’autorité. Elle était accompagnée par une aide plus âgée qu’elle, entièrement habillée de gris, et par un serviteur très

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