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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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certain.
    — Pourquoi non, s’ils veulent qu’il termine son existence dans des conditions aussi abominables ?
    — Je ne le crois pas, poursuivit le Goupil, parce que, d’abord, si ces canailles avaient voulu le tuer, elles l’auraient fait sur place.
    — Dans le lieu saint ? s’indigna le moine.
    — Que leur importe ! Agir autrement, l’emmener ailleurs est un jeu dangereux et compliqué. Pour qu’ils aient agi de la sorte, il leur fallait nécessairement un autre objectif qu’un meurtre, même accompli de manière atroce. En outre, je ne crois pas qu’ils y aient intérêt. Qu’ils tuent un missus dominicus, et toute la région, dans les semaines qui suivront, sera à feu et à sang…
    — Des paroles, encore des paroles, toujours des paroles ! s’exclama le frère Antoine en quittant la pièce précipitamment.
    Doremus secoua la tête tristement.
    — La seule chose que nous puissions faire maintenant pour notre ami, affirmat-il, est de le confier aux soins de Pétronille. Mais, par Dieu, de le voir en cet état pour la première fois, lui qui fut jusqu’à présent si ferme, si avisé, si courageux, cela me fend l’âme… Cela dit, les arguments que tu as avancés, pour le rassurer sans doute, peuvent fort bien être retournés. Tu le sais d’ailleurs tout autant que moi. Ce que ces bandits viennent de faire, de quelque façon qu’on le regarde, est irréparable. Devant la justice de l’empereur, représentée ici par les missi dominici et nous-mêmes, cela leur vaudra la mort, et sous la forme la plus effroyable…
    Doremus ajouta à voix basse :
    — … qu’ils aient ou non tué notre maître.
    — Alors pourquoi le tueraient-ils ? plaça Timothée.
    — Ou plutôt, tant qu’à mourir dans les supplices, pourquoi ne le tueraient-ils pas ?
    Le Grec regarda son ami avec un air farouchement résolu.
    — Cette incertitude change-t-elle quoi que ce soit à notre devoir ? lança-t-il.
    — Assurément pas ! Je sais qu’il va falloir agir avec détermination pour découvrir où ils l’ont emprisonné et le libérer…
    — … avec assez de souplesse pour que ses ravisseurs ne soient pas acculés à un geste désespéré, avec assez de diplomatie pour leur offrir une issue !
    — Une issue ? fit observer Doremus. Laquelle ? Que peuvent bien vouloir ceux qui ont accompli le geste insensé ?
    — S’ils l’ont capturé, c’est pour lui mettre un marché en main.
    — Et nous… Ah ! leur mettre à temps le couteau sur la gorge !… gronda l’ancien rebelle.
     
    Lorsque ses ravisseurs qui s’éclairaient avec des torches eurent quitté la pièce où il était emprisonné, l’abbé saxon se trouva plongé dans l’obscurité. Il se dirigea vers l’endroit où il avait entraperçu une couche, vérifia, en tâtonnant, son emplacement, prononça une courte prière et s’étendit, espérant trouver le sommeil. Mais il ne put s’empêcher de repasser en son esprit, méthodiquement, les événements qui pouvaient expliquer le coup d’audace dont il avait été la victime. Certes, il n’en avait nullement exclu l’éventualité. Mais la détermination dont avait fait preuve l’adversaire, la rapidité de son attaque avaient quand même de quoi surprendre. Ayant déterminé la ligne de conduite à laquelle il devait, de toute façon, se tenir, peu avant l’aube, il finit par s’endormir.
    Son repos fut de courte durée. A la deuxième heure du jour, trois serviteurs – il n’en connaissait aucun – entrèrent dans la prison. Deux d’entre eux apportaient un déjeuner fait de choux au lard et de poissons frits accompagnés de tourtes au fromage, ainsi qu’un flacon d’hydromel. Le troisième disposa une aiguière emplie d’eau tiède et une pièce de lin fin près d’un trépied sur lequel était placé un bassin de cuivre.
    Erwin jeta un regard sur son lieu de détention. C’était une cellule assez vaste, éclairée par une lucarne placée trop haut pour qu’il puisse apercevoir l’extérieur. Convenablement meublée, elle ne devait pas être utilisée habituellement comme geôle.
    Devant la collation qui était disposée sur la table, le Saxon sourit. Qu’on y ait ajouté sa boisson favorite faisait partie, sans doute, du défi : par là ses ravisseurs voulaient signifier qu’ils étaient au courant de ses goûts, donc de ses faits et gestes. Mais, d’un autre côté, leur chef avait commis une faute : cette singulière attention, ajoutée à d’autres indices,

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