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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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étaient au travail. La maîtresse de maison ne parut nullement surprise par la venue de Doremus. Elle était évidemment au courant de la présence, au monastère Saint-Pierre, d’une mission impériale. Elle se porta au-devant de l’ancien rebelle en se faisant accompagner, quand même, par trois solides valets. Elle lui demanda, en francique, la raison pour laquelle il s’était rendu jusqu’à sa villa. L’assistant des missi, sans entrer dans aucun détail concernant l’enlèvement de son maître, lui indiqua qu’il était sur la piste d’un convoi.
    — Vers la mi-nuit ? dit-elle.
    Elle se tourna vers l’un des hommes qui l’avaient accompagnée.
    — Ne m’as-tu pas dit qu’en effet, vers ces heures-là, tu avais entendu des cavaliers sur le chemin qui conduit à Mézières par les marais ? demanda-t-elle.
    — Si fait, maîtresse ! répondit l’homme non sans une légère hésitation.
    — D’autres ont-ils entendu ?
    — Si fait, maîtresse !
    — Sait-on combien ils étaient ?
    — Non, maîtresse ! En pleine nuit… et à trois cents pas de nos maisons… Ils devaient aller très vite.
    La femme regarda Doremus.
    — Cela te suffit-il ?
    — Tout à fait ! Sois remerciée et tes aides aussi ! Les missi dominici seront mis au courant de ton accueil.
    — Demande-leur donc de nous protéger contre ceux qui viennent exiger des dons qui s’ajoutent à la dîme due à l’archiprêtre et à tout ce que s’approprient les abbés !
    — Je t’ai comprise. Il s’agit précisément, pour nous, d’y mettre fin. Comment te nommes-tu ?
    — Gerta, pour te servir.
    La sente que reprit Doremus entrait dans Mézières. Il présuma que les ravisseurs n’avaient pas osé traverser le bourg. Il emprunta, sur la droite, un autre chemin qui menait droit vers l’est. Après trois quarts de lieue il parvint à un hameau d’une dizaine de feux. Il y fut accueilli avec méfiance. Il crut pouvoir déduire des balbutiements d’un berger un peu simple d’esprit qu’un convoi, après être passé par ce hameau, s’était dirigé vers Saulnay, en prenant une sente qui traversait le marécage. Il s’y engagea. La sente devint sentier et celui-ci, de plus en plus incertain, de détours en détours, conduisit l’ancien rebelle à une impasse au milieu d’un marais. Devant lui s’étendait un enchevêtrement de troncs pourris à demi noyés dans les eaux noirâtres qui les digéraient lentement avec des chuintements, des gargouillements et des râles de satisfaction, et dont émergeaient encore des moignons, tandis que çà et là s’échappait l’haleine nébuleuse du marécage. Doremus frissonna au spectacle de cette puissance inquiétante. Il se hâta de revenir sur ses pas.
    Au monastère, alors que Timothée faisait appeler devant lui une habitante du nord de la Brenne, il eut la surprise de voir entrer le frère Antoine avec un visage soucieux mais apaisé, une démarche assurée. Le moine s’approcha de son ami et se dit prêt à participer aux interrogatoires.
    — Ah ! c’est bon de te voir ainsi auprès de moi, lui dit le Grec, tu ne peux pas savoir à quel point.
    — Oh, que si ! répondit le Pansu en prenant place à côté du Goupil.
    Celle qui comparut était à la tête d’un manse – des terres maraîchères – au sud de Saulnay, non loin du marécage qui jouxtait la forêt de Berger. Elle était de statut libre et s’appelait Estelle. En entrant, elle jeta un regard craintif sur ceux qui allaient la questionner. Timothée, pour la rassurer, commença par l’interroger sur son manse, sa situation, les chemins et sentes qui le traversaient ou passaient à proximité.
    Le frère Antoine intervint alors, empêchant son ami d’en venir à ce qui semblait à celui-ci le plus important : le trajet du convoi nocturne.
    — Si je t’ai bien comprise, dit le moine à Estelle, tes terres sont situées au milieu des marais, près d’une forêt ?
    — Il en est ainsi.
    Il décrivit alors le lieu où l’avait conduit sa poursuite et lui demanda s’il existait dans les environs de son manse un endroit qui ressemblât à cela, avec une pierre levée.
    — Il y en a, mais avec une pierre comme tu dis, je n’en vois pas. La plus proche est située sur une petite hauteur, pas sur un button, et dans un bois, à cinq cents pas de l’eau environ ; une autre pierre, un peu plus loin, n’est pas davantage dressée sur une rive. Quant aux « tables de fades », des pierres couchées, elles ne

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