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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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dessinait peu à peu le portrait du Baron. Réfléchissant plus avant, Erwin en vint à penser que ce dernier se souciait peu d’être ou non identifié, car, au point où le fer était engagé, l’assaut final n’allait pas tarder.
    Où l’avait-on conduit ? La durée du trajet ne signifiait rien. Ceux qui l’avaient enlevé avaient pu l’allonger à plaisir par des détours. Erwin tendit l’oreille. Il lui sembla percevoir des voix masculines et féminines ainsi que des hennissements. Alors, où ? Un village ? Peu probable. La résidence d’un domaine ? Un couvent ? En tout cas, le ciel qu’il voyait par la lucarne indiquait qu’on ne l’avait pas enfermé dans un cachot souterrain.
    Lorsque les serviteurs rentrèrent pour desservir la table, ils s’étonnèrent de trouver le déjeuner intact. Le missus leur fit signe de tout emporter. L’un des domestiques qui parlait un peu le francique crut pouvoir insister auprès du prisonnier pour qu’il se restaure.
    — Enlève cela ! ordonna sèchement le Saxon. Oui, l’hydromel aussi ! Bien ! Maintenant, verse de l’eau dans ce gobelet ! Bois !
    L’homme, de plus en plus étonné, s’exécuta sans hésiter. Erwin l’observa un moment.
    — Parfait ! dit-il. Laisse ce gobelet ici ! L’aiguière aussi ! Inutile de m’apporter une collation pour midi. Je n’y toucherai pas ! Même chose pour le souper ! Tu as compris ? Bon ! Tu peux le dire à tes maîtres.
    Sur ces mots, l’abbé saxon s’agenouilla pour prier, puis s’étendit calmement sur sa couche. Avant même que tous les serviteurs aient quitté la pièce, il dormait.
     
    A l’abbaye Saint-Pierre, un différend avait opposé, dès le matin, Farald aux assistants des missi dominici. Le vicomte de Châteauroux, estimant être la plus haute autorité sur place, au moins provisoirement, avait convoqué pour tenir conseil tous ceux que l’abbé Erwin avait réunis la veille. Il s’agissait d’arrêter des mesures d’urgence pour rechercher et retrouver le missionnaire du souverain, dont nul ne doutait plus qu’il avait été enlevé. Timothée et Doremus refusèrent d’y participer. Ils tenaient leurs pouvoirs des missi, qui, eux-mêmes, représentaient directement la puissance impériale. Ils n’avaient donc aucun compte à rendre à Farald, aucune consigne à en recevoir.
    Ils prirent d’abord la décision d’envoyer Sauvat au-devant du comte Childebrand, qui devait être en route pour Mézières, afin de lui demander de hâter sa venue en Brenne. Le colosse accepta cette tâche avec son dévouement habituel, mais non sans appréhension. Annoncer à Childebrand ce qui venait de se produire allait certainement déclencher une colère monumentale. Les reproches, justifiés ou non, accompagnés sans retenue d’imprécations et de jurons, allaient pleuvoir sur le porteur de mauvaises nouvelles.
    — Je sais ce qui t’attend, reconnut Timothée en voyant sa mine soucieuse. Mais, au moins, notre comte palatin aura eu l’occasion et le temps d’épuiser une partie de son courroux… et de son répertoire de jurements. Cela vaut la peine que tu te sacrifies, crois-moi !
    Avant de partir, Sauvat fit le compte rendu détaillé des recherches qu’avait menées la veille le Saxon dans le nord de la Brenne. Puis, accompagné par un garde, il prit la route de Bourges en espérant, malgré tout, rencontrer rapidement Childebrand et le reste de la mission.
    Dès qu’étaient arrivés à l’abbaye les témoins convoqués sur ordre de l’abbé saxon, Timothée les avait fait conduire et enfermer dans un petit réfectoire où les attendait d’ailleurs une collation copieuse. En compagnie de Doremus, il entreprit immédiatement les interrogatoires, avec l’aide d’un truchement.
    D’abord comparut un habitant de Paulnay qui ne leur apprit rien de nouveau sur la « villa du Romain » et ses « tapages ». Avait-il entendu passer par le village vers minuit une troupe de cavaliers ?
    — En pleine nuit ? Assurément pas ! affirma l’homme tranquillement.
    La même question fut posée au deuxième témoin, venu d’Azay, avec la même réponse. Celui-ci prétendit d’autre part n’avoir jamais entendu parler ni de « spectre de la nouvelle lune », ni de « vengeurs », ni de bande ayant pour chef un « Baron » ou un « Flaiel », ni de débauches nocturnes, encore moins de sorcellerie. Il était peu vraisemblable qu’il fût aussi ignorant. Mais Azay était situé assez loin des marais. Les

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