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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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rapidement sur les lieux. Il fit libérer les deux victimes de leurs liens, ôter bâillons et bandeaux, constata qu’elles étaient hors d’état d’apporter sur-le-champ un quelconque témoignage ; les deux blessés furent emmenés directement au valetudinarium. L’abbé ordonna qu’ils soient mis au secret jusqu’à l’ouverture de l’enquête. Il remarqua que la porte latérale de la chapelle, sur laquelle donnait le pont et qui était ordinairement verrouillée, était demeurée entrouverte. Mais il ne prit aucune initiative. Il devait avant tout prévenir le missionnaire du souverain.
    Il se dirigea donc vers le logis que celui-ci occupait. Le moine qui l’avait accompagné pour solliciter dans les formes une entrevue d’urgence frappa à la porte à plusieurs reprises sans obtenir de réponse. Le supérieur du couvent décida de prévenir le frère Antoine qui, ayant constaté à son tour que son supérieur ne répondait pas, prit sur lui d’entrer dans sa cellule. Inquiet, il découvrit qu’il ne s’y trouvait pas.
    Cependant la nouvelle du coup de main s’était répandue comme un feu de broussailles et avait mis tout le monastère en effervescence. Moines, novices, serviteurs et même écoliers, quittant leurs cellules et dortoirs, commencèrent à se réunir par Petits groupes pour commenter cette péripétie étrange autant qu’alarmante, pour échafauder mille hypothèses.
    Timothée, Doremus et le vicomte Farald, que le frère Antoine avait informés, inspectèrent l’abbaye et ses annexes de fond en comble, y compris ses jardins et vergers. Mais comment croire que l’abbé saxon eût pu se maintenir à l’écart de l’agitation qui y régnait sans donner signe de vie ? Quand il devint évident qu’il ne se trouvait nulle part dans le couvent, ses assistants, de plus en plus troublés, ainsi que le vicomte, prirent la direction de recherches dans ses alentours immédiats. Plusieurs groupes, éclairant leurs chemins avec des torches et des lanternes, parcoururent les rives de la Claise, Longoret et ses environs jusqu’à une demi-lieue à la ronde. Sans résultat.
    Les collaborateurs du missus se raccrochèrent alors à l’espoir que leur maître fût parti, en pleine nuit, pour une chevauchée comme il le faisait parfois quand il suivait, en esprit, une piste dans une affaire complexe. Faible espoir, bientôt démenti : d’abord le cheval d’Erwin était toujours à l’écurie et aucune monture ne manquait ; ensuite un moine vint indiquer qu’il avait aperçu, vers la quatrième heure de la nuit, le missus dominicus se dirigeant vers la chapelle. L’avait-il vu en ressortir ? Non, mais comme il avait lui-même gagné immédiatement sa cellule, cela n’excluait pas que le Saxon ait quitté le lieu saint après avoir prié. Mais comment expliquer alors l’attaque contre des sentinelles et cette porte de la chapelle entrebâillée ?
    Au fil des heures le frère Antoine était devenu de plus en plus soucieux, anxieux, irritable. A voir son visage tourmenté, son corps voûté, ses gestes saccadés, à entendre son élocution hésitante, on comprenait que l’événement faisait renaître en lui les pires inquiétudes et frayeurs de sa propre mésaventure. Timothée, lui, avait entrepris ses investigations avec une rigueur et une rudesse rappelant celui qui, jadis, à Constantinople, avait occupé de très hautes fonctions dans les services de police et de sécurité byzantins. Rien ne lui échappait. Le regard dur, les lèvres serrées, avec son air implacable, il ne ressemblait plus en rien à ce Grec affable et charmeur qu’il aimait paraître. Quant à Doremus, impassible, froidement résolu, rien n’indiquait la colère qui l’avait saisi si ce n’était qu’il passait la main un peu plus souvent que d’habitude sur son visage et son crâne chauve, avec, de temps en temps, une lueur féroce dans les yeux.
    Timothée et Doremus, après avoir prié à matines avec ferveur, en compagnie du frère Antoine, durent arracher celui-ci à ses oraisons pour pouvoir tenir conseil avec lui. Ils ne purent alors éluder la terrible question qu’ils n’avaient pas osé formuler jusque-là : en quels périls leur seigneur était-il tombé ?
    Ils se regardèrent, accablés, car à ce moment ils se rendirent compte de la place qu’occupait Erwin, non seulement comme missus dominicus de l’empereur, chargé des affaires les plus délicates, non seulement, avec Childebrand, comme

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