Le spectre de la nouvelle lune
?…
Le frère Antoine expliqua alors ce qu’il savait de la bande, de ses activités, de ses chefs.
— Scandaleux, abominable, exécrable, détestable ! gronda Childebrand en serrant les poings.
Puis il revint à l’enquête que ses assistants avaient menée près d’Arpheuilles.
— Lors de vos recherches, avez-vous été remarqués par l’une de ces canailles ou par un de leurs complices ? demanda-t-il.
— Je ne le pense pas, estima le moine qui décrivit comment il avait mené ses recherches.
— Je ne le pense pas davantage, enchaîna Doremus. Mais l’un de ceux que j’ai interrogés a pu donner l’alerte. Le contraire m’étonnerait fort.
— De sorte qu’en ce moment même, la bande doit prendre des mesures d’urgence, affirma Childebrand.
— Le plus prudent, le plus avisé est sans doute d’estimer qu’il en est ainsi… mais puis-je souligner, de nouveau, que rien n’est certain et…
— Je t’ai entendu, coupa le comte.
Il appela un garde.
— Que Hermant et ses adjoints me rejoignent immédiatement, ainsi que Sauvat ! lui lança-t-il.
Quand tous furent près de lui, il ordonna à ce dernier de regagner l’abbaye Saint-Pierre afin de signifier à Timothée et aux quelques membres de la mission qui y étaient demeurés de rejoindre le gros de la troupe près d’Arpheuilles.
— Combien de routes, de chemins, de sentes carrossables partent de cette dernière localité ? demanda-t-il alors.
— Cinq, répondit Doremus après une courte réflexion : la route de Saulnay qui est la plus courte jusqu’à Mézières où nous sommes, un chemin est-ouest menant à Villiers, une route reliant Arpheuilles à Clion-sur-Indre au nord-ouest, une autre se dirigeant franc nord vers Saint-Genouph, enfin un chemin conduisant à Sainte-Gemme à l’est.
Tout en parlant, l’ancien rebelle avait tracé de la pointe du pied, sur le sol, la disposition qu’il décrivait.
— Et pas de rivière ? s’enquit le missus.
— Si, mais plus un ru qu’une rivière.
Le comte Childebrand regarda successivement tous ceux qui l’entouraient.
— Très bien, dit-il, nous allons faire mouvement !
Le missus dominicus, ses assistants, le commandant de la garde et ses adjoints, la cinquantaine de cavaliers que comptait cette troupe partirent pour Saulnay, distant de deux lieues, qu’ils traversèrent en trombe. Au-delà de cette localité, guidés par le marquis des clairières ils s’engagèrent sur un chemin qui passait au large d’Arpheuilles dont ils firent le tour. A chaque carrefour Childebrand plaça un détachement chargé d’intercepter tout ce qui sortirait de ce bourg, individu, troupe, convoi, au besoin par la force. La nuit était tombée quand la mise en place de ce dispositif fut achevée. Le comte avait installé son quartier général à mi-chemin entre Saulnay et Arpheuilles. Il confia à des estafettes la liaison entre les différents postes et lui-même. Le train de la mission, fourgons et domestiques, ne tarda pas à le rejoindre. Il arma une vingtaine de serviteurs pour compléter ses effectifs.
Il envoya alors, avec de petits contingents, Doremus et le frère Antoine observer deux endroits « suspects » : d’une part, le souterrain de Manse-l’Abbé, situé à une demi-lieue au nord-est d’Arpheuilles et qui pouvait servir de prison, d’autre part, les ruines d’une grande villa romaine où se trouvait éventuellement un repaire. Les deux assistants revinrent en n’ayant rien constaté d’anormal.
Peu avant minuit arrivèrent, s’éclairant avec des lanternes, Timothée, Sauvat, le reste de la mission… et Pétronille qui avait tenu à les accompagner. Le Grec fit à Childebrand un rapide compte rendu des interrogatoires qu’il avait menés toute la journée sans obtenir des informations nouvelles et importantes. Puis chacun se disposa à prendre quelque repos.
Childebrand ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il marchait de long en large devant son campement, pensant à son ami Erwin, s’interrogeant sur le bien-fondé des mesures qu’il avait décidées. Doremus qui ne dormait pas davantage le rejoignit. Ils firent quelques pas ensemble, songeurs, sans mot dire. Tout à coup le comte s’arrêta.
— Dis-moi, que te souffle ton flair de rebelle ? demanda-t-il.
— Qu’il est là, seigneur, répondit son assistant, tendant le bras dans la direction d’Arpheuilles, oui, quelque part là !
— Vivant ? dit Childebrand d’une voix étranglée.
—
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