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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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Écoute !… D’abord des témoignages nous ont appris que la route traversant le nord de la Brenne, d’ouest en est, était fréquemment parcourue par des groupes de cavaliers aussi pressés que discrets. Maintenant, nous avons établi que le convoi dont nous recherchons la destination, passant par ce village, s’est dirigé vers le nord. Ces deux itinéraires doivent se croiser non loin d’ici.
    — Oui, ils doivent se croiser… Mais où exactement ? Arpheuilles, Sainte-Gemme… plus loin vers le val de l’Indre ?
    L’ancien rebelle regarda son ami avec un léger sourire.
    — Comme si tu ne savais pas toi-même comment répondre à cette question ! lui dit-il.
    — Oui… oui… je sais, grommela le moine.
    Après qu’ils se furent répartis la tâche, Doremus reprit sa monture et quitta Saulnay par un chemin qui contournait Arpheuilles par l’ouest. Il parvint ainsi à un hameau situé au nord de cette localité sur la route de Saint-Genouph puis revint à Saulnay par une sente qui passait à l’est d’Arpheuilles, après des recherches qui avaient duré plus de deux heures. Aucun de ceux qu’il put interroger sur ce parcours n’avait entendu, la nuit précédente, le bruit d’une quelconque chevauchée à proximité de sa demeure. Aucun ne parut ni embarrassé, ni hésitant, ni troublé en fournissant une telle réponse.
    Quant au frère Antoine, il avait quitté Saulnay pour Arpheuilles à pied. Après une demi-lieue, il entra dans un bois et, progressant avec précaution, silencieusement, parvint en bordure d’une clairière au centre de laquelle s’élevaient quelques chaumières. Depuis le fourré où il s’était dissimulé, il aperçut deux hommes portant arc et carquois, glaive au côté, qui n’avaient certes rien de cultivateurs, ni de bergers, ni de bûcherons. Le moine prolongea son observation et put constater que ces deux personnages le prenaient de haut avec les villageois. Il craignit un instant que sa présence n’eût été remarquée. Il ne redoutait pas un affrontement mais devait éviter tout ce qui pourrait donner l’alerte. Constatant avec soulagement que les deux bandits reprenaient leur conversation avec de grands éclats de rire, il put repartir aussi discrètement qu’il était arrivé. Rasséréné et ragaillardi par l’action, le frère Antoine regagna Saulnay, assez satisfait du résultat qu’il avait obtenu. Dès que Doremus l’eut rejoint, les deux assistants partirent pour Longoret par la route la plus directe et en forçant l’allure de manière à parvenir à l’abbaye Saint-Pierre avant la nuit.
     
    L’abbé Erwin, ainsi qu’il l’avait annoncé, n’avait pas touché davantage à la collation de la mi-journée qu’à celle du matin. En même temps que les domestiques venus desservir, le Saxon eut la surprise de voir entrer dans sa cellule Rafanel le sabotier.
    — Tu sais ce que tu risques en te présentant ainsi à moi, à visage découvert, lui dit-il.
    L’homme prit un air résigné.
    — Je le sais ! reconnut-il. Mais des risques, seigneur, qui n’en court à cette heure ?
    Il s’approcha des mets qui étaient encore disposés sur la table, préleva sur chaque plat une bouchée qu’il mangea lentement, se versa dans un gobelet de l’hydromel et en but une gorgée.
    — Comme tu le vois, affirmat-il, rien n’est empoisonné ; aucune substance maléfique, comme celles qui ont fait délirer ton assistant et l’ont rendu malade, n’a été répandue sur cette nourriture, ni versée dans cette boisson.
    — Ton geste ne prouve rien, fit remarquer Erwin. De telles substances peuvent mettre du temps à agir. De toute façon, ce n’est pas la crainte qui me fait jeûner. C’est un refus ! Je n’entrerai pas dans le jeu de ceux qui ont osé capturer un missionnaire de l’empereur. Quelque spacieuse que soit cette prison, quelque succulente que paraisse cette nourriture, cela ne compensera jamais l’outrage !
    — Ne crains-tu donc rien pour toi-même ?
    Le Saxon regarda son vis-à-vis avec un sourire ironique :
    — Ceux qui ont décidé de me faire prisonnier peuvent-ils n’avoir en tête qu’un assassinat… aux conséquences désastreuses ?
    — Je ne sais. Mais j’étais venu justement te dire, seigneur, que notre chef, celui qu’on appelle « le Baron », voulait te rencontrer. Oui, il désire te parler. C’est de la plus grande importance.
    — S’il veut me rencontrer, rien de plus facile ! Il sait où il me tient enfermé.

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