Le spectre de la nouvelle lune
toutes fins utiles, ce qui impliquait qu’on fût renseigné sur la configuration des lieux et qu’on tentât de déterminer où Erwin était détenu. Cependant, aucun des présents n’étant venu précédemment à Arpheuilles, Timothée proposa qu’on interroge Pétronille qui avait offert son aide. Elle fut appelée et ne manifesta aucun crainte malgré l’accueil bougon du missus qui lui jeta :
— Nous diras-tu pourquoi quelqu’un comme toi nous propose ses services ?
— Mais je les ai déjà utilisés pour votre mission, répondit-elle en souriant. Demande-le donc, excellentissime, à celui-ci qui se tient à ton côté. Il m’a été amené agonisant. Sais-tu que j’aurais pu faire semblant de le soigner et le laisser périr, même hâter sa mort ? Au lieu de cela…
Le frère Antoine lui adressa un regard reconnaissant.
— Oui… peut-être… marmonna le comte. Mais tu n’as pas répondu à ma question.
Pétronille fit un geste en direction du centre d’Arpheuilles.
— Ceux qui se sont retranchés là ont assassiné mon amie Fabienne, magicienne comme moi. Oui, seigneur, magicienne ! Et sais-tu pourquoi l’une de ces canailles lui a planté un pieu dans le cœur ? Pour faire croire qu’elle était une stryge et qu’elle devait être mise à mort comme un être démoniaque ! Les magiciennes que nous sommes connaissent les eaux, l’air, le feu et la terre, les racines, les écorces, les feuilles et les fleurs ; elles savent guérir et réconforter avec l’aide des anges et du Très-Haut ; elles ont fait serment de ne jamais faire appel aux puissances infernales. Nous invoquons les forces célestes. Ce sont elles qui nous donnent savoir et vigueur. Nierais-tu qu’elles l’emportent sur le Malin et ses légions ?
— Assurément pas ! dit le comte, étonné.
— Mais je ne t’ai pas encore indiqué pourquoi, en vérité, Fabienne a été tuée… Elle condamnait ces bacchanales qui se tiennent à l’appel du spectre blanc ainsi que les actions des soi-disant vengeurs appartenant à la « bande de la nouvelle lune ». Elle leur a même refusé des deniers, répondant à leurs menaces par la menace. Ont-ils cru qu’elle allait les dénoncer ?
— Et c’est pourquoi ils l’auraient mise à mort de cette façon atroce ?
— Je le crois.
— Et toi ?
— Je suis menacée… comme Fabienne.
Le comte jeta à la magicienne un regard qui exprimait de la considération.
— Et puis, ajouta Pétronille, cet envoyé du roi, cet abbé qui est en danger m’a paru, en dépit de son air sévère, homme de bien, de justice, homme de miséricorde.
— Ainsi est-il, n’en doute pas.
Childebrand lui demanda alors de décrire la localité d’Arpheuilles, ce qu’elle entreprit tandis que Dodon, sur une tablette, traçait un plan qu’il complétait au fil de l’exposé. Quand elle eut terminé, le comte examina le croquis. Il pointa le doigt sur un détail.
— Ici, un peu à l’écart du bourg lui-même, se trouve donc l’ancien prieuré Sainte-Radegonde, jadis couvent de bénédictines, et qui a été désaffecté très récemment, as-tu dit, après plusieurs scandales. Est-ce bien ainsi ?
— Je le pense.
— Bon !… Ces bâtisses tiennent-elles encore debout ?
— Dans l’ensemble oui ! affirma-t-elle. Elles sont construites sur de solides assises, de grands blocs de pierre.
— Crois-tu que ce soit, dans Arpheuilles, le seul édifice qui puisse servir de prison ?
— Avant de te répondre, puis-je te poser une question ?
— Je t’écoute !
— Cet ancien couvent n’est pas situé exactement dans le bourg. Cependant, les défenses mises en place par la bande l’englobent-elles ?
— Oui, et, pour ce faire, elles dessinent même une poche.
— Ne crois-tu pas, seigneur, que, dans ces conditions, il y a de fortes chances pour que ton ami y soit détenu ?
— Bien vu, très bien ! commenta Childebrand. Peux-tu maintenant préciser quelle est la disposition des pièces en cet ancien prieuré ?
— Je ne le puis, car je n’y suis jamais entrée.
— Existe-t-il des souterrains ?
— Des caves, sans doute, comme partout, mais de vrais souterrains, je ne le pense pas. Je ne l’ai jamais entendu dire. Il y en a ailleurs, je le sais, à une demi-lieue d’ici.
— Au Manse-l’Abbé, par exemple ?
— Ou à la grande « villa des Romains ».
— Nous avons déjà contrôlé. Apparemment personne.
Après que Pétronille, remerciée par le frère Antoine au nom des
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