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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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heureux d’être délivrés de contraintes de plus en plus pesantes et qui n’osaient pas exprimer leur soulagement. Erwin, avec un léger sourire, pensa qu’une telle évaluation ne faisait pas la part assez belle à Prudence et Résignation. De toute façon, il y aurait fort à faire pour ramener en ce pays Paix, Confiance et Concorde.
    La mission ne pouvait se permettre la moindre erreur.
     
    Après une semaine de recherches et de vérifications, le comte Childebrand et Erwin, dont la blessure examinée fréquemment par Pétronille était en bonne voie de cicatrisation, tinrent conseil avec tous leurs assistants, y compris Hermant, Sauvat et le diacre Dodon, à l’occasion d’un souper, comme ils le faisaient à l’issue d’enquêtes périlleuses et délicates. Fayard, le maître queux, et ses aides avaient mis tout leur savoir-faire dans ce repas. Après une entrée de figues, de raisins et de noisettes accompagnés de vin miellé, le premier service était composé d’un cygne et d’un faisan revêtus, de carpes en sauce à la menthe, de buissons d’écrevisses, de purée de fèves aux amandes pilées avec du lait caillé ; pour le second service les cuisiniers apportèrent avec fierté sur un grand plat d’argent un porc entier, farci de saucisses, entouré de brochettes d’oiseaux, de tourtes à la chair de brochet et de galettes de sarrasin au cumin, le tout accompagné de pains de diverses sortes et arrosé de crus de Loire et de Bourgogne, sans oublier l’hydromel pour le Saxon. Celui-ci d’ailleurs avait refréné l’ardeur de la cuisine, qui avait prévu un troisième service, en limitant les agapes.
    Tout en se donnant le temps de savourer les mets qui leur étaient proposés, les missi dominici et leurs convives procédèrent à un inventaire qui apporta d’abord la certitude que la bande des « compagnons de la nouvelle lune » avait cessé d’exister. Quarante-deux, exactement, de ses membres avaient été tués à la « bataille d’Arpheuilles ». Neuf autres étaient emprisonnés, les cinq qui avaient été capturés vivants, deux de ceux qui avaient pu passer à travers les mailles du filet et avaient été retrouvés, deux autres enfin qui n’avaient pas pris part au combat et avaient tenté de se dissimuler parmi les serviteurs. Que restait-il donc de cette bande ? Trois ou quatre fuyards et, peut-être, quelques complices comme ce moine, ce novice et ces deux domestiques qui avaient quitté précipitamment l’abbaye. Pas de quoi reconstituer une troupe. D’autant qu’on avait découvert les lieux (des souterrains, des grottes, des chaumières situées au cœur du marécage et même des demeures au sein de bourgs) où les rebelles trouvaient refuge et où étaient entreposés des vivres, du fourrage, des médicaments, des vêtements et des armes. Il s’y trouvait également tout ce qui était utilisé pour les cérémonies idolâtres et orgiaques, comme des masques et déguisements, des figures représentant des monstres, et des mannequins, dont un qui était vaguement à la ressemblance d’Erwin. Rien cependant qui pût expliquer les apparitions du spectre blanc. Le frère Antoine, pour sa part, avait eu la satisfaction de fouler, sans hallucination, le sol de cette rive où il avait vécu des heures épouvantables, et d’apercevoir, paisible, cette plage où s’était déroulée, autour de la pierre qui se dressait toujours, l’horrible bacchanale. La chaumière proche était à l’abandon. Le pêcheur figurait parmi les morts. La femme avait disparu. Le moine demeura persuadé qu’il avait eu affaire à une stryge.
    D’autre part, des indications, fournies par Rafanel et par Agnès elle-même à Erwin, permirent d’établir que Thomas, le mari de celle-ci, que ses recherches avaient conduit jusqu’au couvent Sainte-Radegonde, avait été tué par une sentinelle alors qu’il tentait de pénétrer secrètement dans le prieuré, et que Paquette s’était noyée accidentellement au cours d’une bacchanale tumultueuse.
    Childebrand, lui, avait réservé pour ce conseil des révélations concernant le « Flaiel inconnu ». Le vicomte Farald, mis en présence de son cadavre, avait reconnu Berthet, ce viguier envoyé en mission extraordinaire par le comte de Bourges et qui était passé par Châteauroux avant de gagner la Brenne. Pour extraordinaire, cette mission l’avait été assurément, puisque ce Berthet avait profité de son déplacement pour reprendre

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